Le S.I.A.E.S. est un syndicat d'enseignants académique indépendant et de proximité, a votre service, l'adhésion la moins onéreuse de tous les syndicats d'enseignants de l'éducation nationale, coordonnées du syndicat, qui sommes nous
Janvier 2004
Le courrier du S.I.A.E.S. n° 21 - Retour Index
 

Intro
Malheur aux vaincus !
Et pourquoi pas au S.I.A.E.S. ?
Propos pour  réfléchir et réagir
 
TZR carte scolaire
Circulez. Y a rien à vendre !
Appel/Pétition pour la défense du Latin et du Grec

Intro
Ce Courrier est en partie  consacré au Mouvement Intra - académique, avec un accent particulier mis sur les TZR, tous touchés par  des mesures de carte scolaire, à la suite de la nouvelle politique menée à leur égard et des modifications apportées à la géographie des zones de remplacement  des Bouches du Rhône et du Vaucluse. Il se veut aussi un prélude au congrès du S.I.A.E.S. avec la publication de textes reçus d'adhérents, chacun "dérangeant" à sa façon, et devant nous inciter à réfléchir et à discuter sur notre travail, sur nous-mêmes et sur "l'univers" dans lequel nous évoluons (élèves, parents, administration, collègues, et la société elle-même). Gageons que ces libres contributions animeront fructueusement nos débats et que vous serez nombreuses et nombreux à y participer.

Malheur aux vaincus !
Je l'ai souvent répété : enseigner est un métier de combat - n'y voyez aucune animosité. Ce n'est pas un métier de pleureuses - n'y voyez aucun sexisme.
Épuisant, passionnant, ce métier ! Nous y passons des heures sur le fil du rasoir. Enseigner, aurait dit Souchon, c'est comme l'amour ou le revolver, enseigner " c'est aller au ciel ou tomber par terre".
Ne riez pas: ce sont souvent les meilleurs d'entre nous qui, au final, après une carrière admirable, se retrouvent au tapis, victimes d'une mécanique imbécile. J'oserais dire : kafkaïenne.
Ces profs, bien sûr, sont des profs atypiques. Qui enseignent à contre courant de la mode actuelle… Vous savez, celle qui nous pousse à les cocooner ces " pôôôvres petits" , à les ménager façon Maternelle. Et ce, jusqu'au lycée. Et même au delà !
Rappelez-vous : le "petit" vous présente une tache "gros caca colorié " . Il convient de s'extasier : "Oh mon chéri, comme il est beaaauuu ton dessin! " Appliqué au collège, au lycée, cela donne : attention ! ne jamais mettre zéro ! ne pas décourager l'Enfant. Pas de remarque négative, surtout dans les bulletins… Toujours po-si-ti-ver  ! L'élève a traité sa jeune prof de français de " grosse salope" ou de" pute" ?  Quelle faute a-t-elle  bien pu commettre pour pousser ainsi le pauvre Enfant à bout ? Car chacun le sait : " l'élève est naturellement bon, c'est le professeur qui le pervertit " !
Beuglements, portes qui claquent, fiers mouvements de casquettes "kékés", enseignante en larmes … En salle des profs les regards se font fuyants, la frilosité s'installe autour de la machine à café. La Vie Scolaire enquête. On connaît la version du prof. Mouais …il importe avant tout de recueillir  celle de l'Enfant. L'administration  convoque les délégués, interroge les élèves ; les fédérations de parents d'élèves s'agitent : chacune, un œil sur la concurrente et haro contre le prof… Coupable, forcément coupable.
Au final, les choses finissent souvent par s'arranger. Parents, Direction, Collègues, chacun y va de sa leçon de "savoir-gérer-une-classe-avec-diplomatie " ou " comment-ménager-leur-tendre-susceptibilité ". P'tit Rabelais promet de laver sa casquette à défaut de l'enlever en classe, et notre jeune enseignante y va de son mea culpa. Rêvant d'accéder un jour au saint des saints, elle s'efforce de bien raser les murs, de bien plaire à son IPR, de bien s'aplatir, de bien , toute sa vie, rester conforme au moule.
Oui. Mais voilà les choses ne se passent pas toujours ainsi. Et j'en reviens à mes profs atypiques. Car il  en est  encore, parmi nous, qui pensent qu'enseigner ce n'est pas ravaler toute dignité, qu' aimer, ce n'est pas systématiquement passer la brosse dans le sens du poil. Ces enseignants ont , comme on dit, " leur caractère", et c'est bien là que le bât blesse. C'est là que le système s'emballe. A une époque où l'on nomme nos caissières " hôtesses de caisse", nos handicapés " personnes à mobilité réduite", nos balayeurs "techniciens de surface", ces profs qui osent appeler un chat "un chat", parfois avec une absence totale de diplomatie, parfois avec un langage imagé, finissent forcément par attirer l'attention. Shocking ! … Sanction .
Vous ne vous sentez pas concerné ?  Laissez moi vous raconter l'histoire de Monsieur K. Navrante et exemplaire à la fois.
Monsieur K n'est pas un débutant tout frais mastérisé au moule IUFM. Il a de la bouteille, il sait ce qu'enseigner veut dire. Il a formé des milliers de collégiens " à l'ancienne" , sans se préoccuper de l'air du temps, sans trop céder aux réformes des ministres qui passent. Malgré sa rudesse il obtient, de l'avis général, de très bons résultats.  Monsieur K. serait donc un excellent professeur s'il n'avait la fâcheuse manie d'exiger de ses élèves "attention " et "respect".
En 2002 - 2003 , Monsieur K. a la malchance de croiser la route de Martin B.
Martin B. est un élève médiocre, paresseux, perturbateur. Élève de 3ème Z il lit difficilement, a définitivement décroché dans la plupart des matières et chahute pendant les  cours. A l'exception de ceux de Monsieur K, qu'il craint.
Malgré ce tableau négatif, Martin B. n'a redoublé aucune classe et serait déjà passé plusieurs fois devant le conseil de discipline s'il n'avait eu la chance d'avoir une Maman. Une maman militante, pilier d'un groupement de parents d'élèves particulièrement agressif, une maman procédurière, terreur des conseils de classe, de celles qui vous disent comment il faut enseigner à leur progéniture.
Un matin de janvier 2003, pendant un contrôle, Monsieur K. surprend deux élèves en train de copier. Sans aucun état d'âme, il colle deux zéros. Le contrôle continue et l'affaire aurait pu en rester là … si l'un des deux élèves n'avait pas été Martin B. Lequel Martin B. a une maman.
L'affaire s'envenime très vite. A cause de son caractère, Monsieur K. est un peu isolé en salle des professeurs. Il a très peu d'amis, il n'est pas syndiqué et  ne comprend pas ce qui lui arrive. Il ne fait montre d'aucune docilité, d'aucune souplesse. Pour lui les choses sont claires:  on ne triche pas. Et si on le fait, on en accepte les conséquences . Point.
Le Principal du collège Zinedine Zidane le convoque, lettre à en-tête du groupement de parents d'élèves au poing. Ce Principal, qui refuse de sanctionner les élèves perturbateurs et prône le dialogue, ne veut pas "d'histoires". Il craint particulièrement les fédérations de parents d'élèves, et Madame B. est son pire cauchemar. Monsieur K. ne cède pas aux pressions. Il refuse de revenir en arrière, d'effacer les zéros, de faire recomposer les fautifs. Le Principal  en rend compte à Madame B., laquelle expédie une lettre à en-tête au Rectorat, à l'IA, au Député du coin, au MRAP, au Lobby des éleveurs de canards, et même au Cabinet du Ministre. Accompagnée d'une pétition maigrement signée par quelques parents que Madame B. a réussi à coincer au coin d'un couloir, à l'occasion d'une rencontre parents professeurs.
L'affaire prend alors une ampleur énorme, tout le Gratin y allant de sa demande d'explications. On ressort de vieux ragots. Monsieur K. est inspecté. L'inspection-sanction se passe très mal : l'inspecteur annonce la couleur sans prendre de gants, remet en cause toute la pédagogie de Monsieur K. , inadaptée aux méthodes modernes, ne trouve rien à dire ou à écrire de positif. Descente en flammes. Pire : Monsieur K. est apostrophé devant toute la classe de façon peu diplomate. Martin B. ricane. Monsieur K. est effondré devant tant d'injustice. Il craque rapidement : arrêt de travail.
Diminué, Monsieur K. reprend cependant ses cours après les vacances de Pâques. Mais les choses ne font qu'empirer. Mis au courant  de l'affaire, son remplaçant a filé doux, n'a pas fait de vagues. Martin B. est maintenant le caïd incontesté de la classe, et sa mère règne sur le conseil de classe. En salle des profs, tout un chacun fait la gueule à Monsieur K. : on le tient pour responsable du climat déplorable que connaît le collège en général, et la 3ème Z en particulier.
Monsieur K. a perdu toute confiance en lui, en son métier, en sa hiérarchie. Les élèves en profitent pour se venger de sa sévérité passée. C'est le chaos. Et on l'accuse de "ne pas tenir sa classe" ! Monsieur K. s'enfonce dans la dépression. Nouvel arrêt de travail. Il passe en demi traitement, devient amer, agressif. Madame B. ressort son papier à en-tête.
Monsieur K. est convoqué au Rectorat. Il s'y rendra seul et personne ne saura jamais ce qui s'est passé ce jour-là.
Le 5 juin 2003 , une voisine de Monsieur K., inquiète d'une odeur de gaz suspecte, alerte les pompiers. Qui arriveront trop tard.
Quelques jours plus tard, devant une poignée de collègues réunis autour d'un trou, le Principal du collège Zinedine Zidane prononcera d'une voix  froide un discours de circonstance. Fin de l'histoire.
Ah ! vous vous sentez concerné ? Cette histoire vous rappelle des souvenirs, pas forcément lointains ? Le premier conseil qui me vient à l'esprit est de ne pas culpabiliser. De ne pas se laisser entraîner dans la spirale. Tout semble se liguer contre vous ?  Et alors ? L'histoire, les arts, la littérature, sont pleins de personnages qui ont eu raison face à la masse, face aux groupes de pression. Tiens, un exemple entre mille : je vous renvoie à l'excellent roman d' Ira Levin " Un bonheur insoutenable".
Le second conseil est lié au premier : ne pas rester seul. Il faut rompre l'isolement, il faut parler, partager. Il faut se syndiquer.

Et pourquoi pas au S.I.A.E.S. ?
D'abord parce que la cotisation y est moins chère qu'ailleurs, pour un service dont on ne saurait dire qu'il est moindre qu'ailleurs. Moins chère la cotisation, car nous allons à l'essentiel. Nous ne roulons pas en voiture de fonction, nous n'avons pas de locaux en centre-ville, nous n'imprimons pas en couleurs sur papier glacé. Et pour le service, c'est celui d'un syndicat qui  monte et progresse par la publicité que lui font celles et ceux qui ont recours à lui. Un syndicat qui monte, mais reste proche de ses adhérents et de ceux qui le sollicitent. Pas une grosse machine  anonyme et hiérarchisée.
Et puis, répétons-le, le S.I.A.E.S. est IN-DE-PEN-DANT : il y parmi nous des sensibilités de gauche, il y a des sensibilités de droite , mais la couleur politique de nos adhérents importe peu…Ce qui est important c'est la défense de notre métier, la défense de celles et ceux qui l'exercent, la défense de son devenir.
Et ça, avec votre aide, nous savons le faire.Richard  TRONC  rtronc@voilà.fr

Propos pour  réfléchir et réagir.
Cette année, faisant fonction de principal adjoint au collège de …, j'ai pu mesurer l'écart entre les textes tels qu'ils devraient être appliqués et les pratiques ( et surtout les non pratiques ) des enseignants de collège : manque de travail en équipe, manque d'autonomie par méconnaissance des textes, manque de participation structurée à la vie de l'établissement ( la prime ISO est perçue, mais les temps de travail afférents sont négligés ), ceci aggravé par une direction qui ne tient pas à faire trop évoluer les mentalités. C'est une chose que j'ignorais dans mes activités précédentes où la complexité de la gestion des élèves en difficulté fait partie intégrante du service normal et où le travail d'équipe permet de minimiser les dysfonctionnements  individuels, donc de travailler dans un climat plus sécurisé et serein.
Je ne crois pas que le temps béni des élèves dociles et des parents éducateurs reconnaissants à l'école puisse revenir de sitôt. Il me semble que l'utilisation par les enseignants des pouvoirs de propositions pédagogiques élaborées en équipe et défendues dans des projets et/ou un projet d'établissement n'a pas été comprise et investie, sans doute car les intéressés n'y ont pas vu où étaient leurs bénéfices (principalement un meilleur climat de gestion des classes)  et parce qu'ils n'en ont pas l'habitude et n'y voient qu'une surcharge de travail.
Est-ce qu'un syndicat ne se veut que l'amplificateur de réactions raz-le-bolistes, ou peut-il aussi être un facteur de changement des mentalités pour que les personnels souffrent moins des transformations inéluctables de la société ?
Je ne fais pas l'apôtre des dysfonctionnements de la structure ni des attitudes archaïques de certains chefs d'établissement qui n'ont pas eux-mêmes pris le tournant et  je suis déçu du niveau des querelles idéologiques telles que relayées par les media qui, parfois, sont le seul niveau d'information d'une salle des professeurs.
Les professeurs s'intéressent-ils un peu à la pédagogie, à la psychologie des adolescents, aux neurosciences qui font apparaître certaines pratiques comme antinaturelles et antiproductives en terme d'apprentissage ?
Il fut un temps, il y a près de deux siècles, où les accoucheurs, après avoir théorisé doctement, avaient pris l'habitude de suspendre les femmes par les pieds, la tête en bas, pour les faire accoucher. Il a fallu de nombreux décès et une grande souffrance pour que cette maïeutique soit abandonnée, avec difficulté puisque l'allongement de la parturiente est resté de mise, même si on sait maintenant qu'il vaut mieux marcher, s'accroupir, se suspendre par les bras comme le faisaient les "sauvages" et les pauvres de tous les temps. La force de l'habitude fait force de loi qui se réclame "naturelle", si l'on ne prend pas un peu de recul historique ou géographique.
Notre école doit-elle être condamnée à accoucher de jeunes illettrés en marchant sur la tête ? Pouvons nous rester couchés à nous plaindre de la douleur naturelle de l'enfantement des nouvelles générations ( Aristote s'en plaignait en son temps ) ? Où est la péridurale ?  Le cannabis en vente libre ? Et la surconsommation  de neuroleptiques par des jeunes de plus en plus précoces, et leurs professeurs excédés, qui  obligeront à sortir les bistouris pour une césarienne économique qui laissera des cicatrices disgracieuses ?
Ne pouvons nous apprendre à accoucher de notre future génération en vivant la douleur en adultes responsables, de manière active, et pourquoi pas émerveillée de voir combien les jeunes sont différents de nous et souvent mieux adaptés à leur époque que nous ne le sommes, et comment, dans un échange bienveillant, ils peuvent nous montrer comment vivre demain pendant que nous leur montrons, nous professeurs, comment utiliser au mieux leurs capacités pour une meilleure survie de l'espèce ?
Bonne réflexion sur ces propos, et vos réactions. Auteur volontairement anonymé.

Haut page

Circulez. Y a rien à vendre !
Depuis les années 80 l'école est à l'évidence entrée dans une logique commerciale.
Les enseignants sont devenus des "boutiquiers". Ils doivent déployer tous leurs talents et des trésors d'imagination pour motiver les enfants à consommer du "produit éducatif". A défaut, le chef d'établissement ou l'IPR peuvent sanctionner l'inefficacité marchande du professeur.
Hélas, je n'ai pas choisi l'enseignement pour cela. Sinon, j'aurais fait carrière dans une banque, travaillé dans une usine de voiture ou un magasin d'électroménager. Je ne me sens pas une âme de marchand de soupe. Je n'en ai ni le goût, ni la formation. Je respecte ceux qui ont fait ce choix, parfois même je les admire, mais dans mon travail je ne tiens pas à les imiter. En classe, face aux élèves, je ne fais aucune promotion, jamais de soldes. Je ne traite pas d'affaires. Je n'ai rien à échanger, rien à négocier. Je ne vends rien. JE DONNE !
Je donne à chacun…les savoirs, la culture, le sens social, l'ouverture d'esprit, l'aptitude à s'interroger sur ce qui fait l'universalité de l'homme… Autant de choses dont je suis persuadé que nous avons tous besoin pour être des adultes dignes de ce nom.
La conception mercantile de ma mission est une dérive grave qui, en quelques décennies, a transformé notre système éducatif en un parfait exemple de catastrophe. Elle génère entre maîtres et élèves des modes de pensée et des comportements qui sortent du "relationnel normal " pour entrer, non pas dans le "conflictuel déclaré" , mais , pire, dans le "stratégique rampant".
1. En premier lieu elle nie toute hiérarchie en plaçant celui qui sait et celui qui ne sait pas sur un plan d'égalité… vendeur, acheteur, dealer, chef de rayon…ça se vaut ! Or cela fausse la réalité. Par définition, c'est celui qui ne sait pas qui doit être à l'écoute de celui qui sait. C'est toujours le demandeur qui doit solliciter celui qui donne, non le contraire.
2. De plus, pour de nombreuses familles , l'école prend l'allure d'un vaste super marché. Les absences, les incivilités, les livres, les programmes, les méthodes, les devoirs, les notes, les passages, les diplômes…tout peut être sujet à "contrat". Depuis vingt ans, quasiment tout a été motif de réforme. Certes tout peut se discuter, se contester, se négocier, se modifier, mais, bien sûr, le client est roi, et a toujours raison !
3. En outre, on perd de vue une dimension essentielle de notre travail. C'est son action " à long terme". La vente est basée sur l'immédiat, l'instantané, la nécessité ou la satisfaction première, sans grande réflexion en terme d'avenir lointain. Or si une éducation ratée se perçoit tout de suite , une éducation réussie, elle, ne produira ses fruits que bien plus tard, dans un futur qui, dans l'esprit de beaucoup, n'existe pas. N'existera jamais.
4. Autre conséquence, les enseignants se trouvent placés en première ligne d'un combat qui n'est pas le leur : satisfaire des caprices de consommateurs sûrs de leur droit. Lorsqu'elles n'obtiennent pas satisfaction , les familles n'hésitent pas à protester, critiquer, harceler, agresser, faire appel, voire poursuivre en justice…Punching-ball. Merveilleuse profession.
5. Enfin, la concurrence est faussée. Parfois j'ai bien l'envie d'envoyer certains "clients" aller voir ailleurs. Aller acheter ailleurs. C'est mieux ! Mais hélas, il n'y a pas d'ailleurs. Je suis le seul magasin des environs à rester ouvert à cette clientèle captive dont les autres boutiques ne veulent pas de toutes façons.
6. Face à ceux qui refusent mon travail, je n'ai aucune réponse , aucune porte de sortie. Il n'y a même pas de service après vente ! Alors  ne pouvant rien pour eux, je renonce… Je "gère" des situations ! Expression très tendance pour dire que ne les maîtrisant pas, je laisse glisser… Je ne donne plus à tous, ni même au plus grand nombre, mais à un petit noyau d'individus par qui je suis encore accepté. C'est la négation même de la mission de l'école républicaine.
Cet échec monumental de l'Etat, qui grève l'avenir de la nation, sera-t-il perçu un jour ?
J'entends dire partout que la culture française est une "exception" qui n'est pas à vendre. Et tous les jours j'ai l'impression de faire du commerce, dans des classes ressemblant à un Uniprix un jour de soldes.
La rumeur circule, affirmant que l'Education Nationale aurait de plus en plus de mal à recruter de jeunes professeurs. Argument intéressant : on peut toujours faire miroiter aux postulants que, rompus au négoce, en cas de déception ils pourront toujours quitter l'enseignement pour ouvrir une boutique. Michel AUTHEMAN

Haut page

Appel/Pétition pour la défense du Latin et du Grec
Traduction du texte en latin publié dans la Lettre du SIAES n° 23 du 8 mars 2004.
Rappel. Pour signer la pétition , voir le site www.sauv.net ( Sauver les Lettres), sur lequel vous pourrez lire aussi l'appel / pétition lancé par un collectif d'associations, en faveur du Latin et du Grec. Cet appel avait reçu, fin mars, le soutien de près de 23 000 signataires. Devant son ampleur le Ministre  a reçu ses auteurs et annoncé , peu après, des mesures conservatoires pour les sections menacées… mais sans moyens supplémentaires.
Contre les Grands qui nous gouvernent, pour la défense des cultures antiques.
Jusques à quand, vous les Grands, abuserez-vous de notre patience ?  Combien de temps encore votre folie se jouera-t-elle de nous ? Jusqu'à quelle extrémité va donc vous jeter  votre audace effrénée et mercantile ? Rien, ni les cortèges bruyants  des professeurs défilant dans les rues, ni les larmes des élèves, ni la sueur des parents modestes pour donner à leurs enfants la meilleure éducation, rien, non rien, ne vous émeut ? Ne sentez-vous pas que vos projets sont percés à jour, ne voyez-vous pas qu'il est cerné, tenu à la bride, par tous ces gens qui le connaissent, votre complot pour démanteler l'Etat au profit d'une poignée de privilégiés ?
O temps ! O mœurs ! L'égalité entre les citoyens s'est renforcée à travers d'âpres combats séculaires, et voilà que maintenant l'Etat est divisé d'année en année, que dis-je ? de jour en jour, en deux classes, ceux d'en bas - pour reprendre votre propre expression - et ceux d'en haut ! Où est le bien public ? Où est la promotion de tous pour la sélection des meilleurs ? Où sont les droits de l'homme.
De moins en moins de maîtres, de moyens, de disciplines d'enseignement : les écoles d'aujourd'hui deviennent désormais comme des auberges espagnoles, où les élèves apporteraient le repas préparé chez eux, maigre pour les pauvres, copieux pour les riches et d'où ceux-ci repartiraient rassasiés, ceux-là la faim au ventre. Est-ce là l'école de la république ?
O mânes de ce grand ministre qui a ouvert gratuitement à tous les enfants des citoyens les portes de l'instruction, couvrez-vous la tête de cendres ! Un homme, portant le même nom et investi de la même charge, défait ce que le premier a fait.
C'est la règle chez les bêtes que les faibles soient rejetés du troupeau par les forts et abandonnés à la dent des fauves. Ce sont les Barbares qui ont coutume de les mépriser, de les réduire en esclavage et de ne leur laisser qu'à peine de quoi survivre comme des chiens. De nos jours nous voyons des hommes passer la nuit couchés à même le sol ; certains d'entre eux meurent de froid l'hiver et tous se font les clients de l'Etat ou de quelque œuvre de bienfaisance. Car notre société rejette les citoyens qui ne lui semblent plus utiles. Cette société- là est-elle humaine ?
Bienheureux encore ceux qui survivent comme des chiens ! N'avons-nous pas vu en août dernier des milliers de vieillards privés de soins succomber comme des chiens aux rigueurs de la canicule ? Les cadavres de certains n'ont-ils pas été retrouvés plusieurs jours plus tard ?
C'est la règle chez les bêtes comme chez les Barbares de ne pas honorer les ancêtres et de ne pas enseigner aux enfants leurs coutumes, leur langue, leurs œuvre, leurs exploits. Aujourd'hui, dans cette société qui est la nôtre, qui se prétend civilisée et s'en arroge souvent le droit de civiliser les autres peuples, les disciplines qui transmettent la mémoire de nos pères sont peu à peu délaissées, ou le sont déjà, sous prétexte qu'elles traitent du passé, et au premier rang le latin et le grec.
Cependant on propose aux Français et à d'autres peuples de l'Europe un projet grandiose : constituer une communauté politique. Constituer ? Non, reconstituer ! car sur quels fondements, sinon sur le patrimoine romain commun ?  Elle a existé jadis, cette communauté, avant que les hordes barbares la dissolvent en renversant l'empire romain. Et pourtant, comme le fil ténu d'Ariane, déroulé d'abord par les mains des clercs, puis par celles des philosophes, durant près de deux mille ans le génie romain a conduit le destin des peuples qu'avait soumis la Ville. Ainsi le latin s'est-il conservé chez eux, sous des formes variées certes, et leurs poètes et artistes ont puisé à la source des légendes romaines - dont la plupart avaient trouvé leur source en Grèce - pour écrire, peindre ou façonner leurs propres œuvres. Jusqu'aux nations que le peuple romain n'avait jamais soumises à son empire et où se parlent aujourd'hui encore des langues étrangères au latin, qui ont peu à peu adopté des mœurs, un droit et des formes d'art romains. Des colonnes d'Hercule jusqu'aux frontières de l'Asie du Nord, on peut voir dans les musées, sur les places publiques et dans les demeures privées les dieux et les déesses romains ou grecs. Sans oublier le Christ, puisque les Pères de l'Eglise étaient tous romains ou grecs ! Par là tout homme un peu éclairé  voit bien que toutes ces nations sont liées par une culture commune née d'une Romanité ainsi élargie.
Hélas ! depuis la ruine de la Ville , il est des princes de ces nations qui ont voulu restaurer par la guerre l'empire romain. Comment ne pas comprendre pourquoi Charlemagne  est allé recevoir la couronne impériale à Rome des mains du pape ? Comment ne pas voir que "Kaiser " et "Tsar" viennent du mot "Caesar" ?
Et à présent que la paix s'est enfin rétablie entre les nations, que les citoyens ont compris qu'on les a jetés dans des guerres non pas étrangères mais fratricides, que l'espérance s'est levée que la communauté soit relevée dans le silence des armes, nos nouveaux consuls méditent de jeter ce patrimoine au feu  pour remplacer plus aisément la civilisation commune par une commune avidité ! Bon appétit, Messieurs ! O ministres intègres !…
Les nouveaux Barbares guettent à la Porte capitoline. Dans le pli de vos toges, Grands qui nous gouvernez,vous cachez la clé de Tarpéia tout en vous prétendant les plus sûrs gardiens du foyer sacré. Craignez le peuple qui, ivre de colère, vous précipitera un jour du haut de la Toche tarpéienne !
Marseille  11 février 2004
Catherine DARMSTADTER
  ( texte  publié avec l'accord de l'auteur , extérieure au S.I.A.E.S. et ne revendiquant aucune appartenance syndicale ).

Haut page

 

 

Haut page - Retour Index