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Supplément au Courrier du S.I.A.E.S. n° 22

La LETTRE du S.I.A.E.S. n° 26

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23 novembre 2004 - 7ème année      Publication  n° 59
Aide du S.I.A.E.S : pour toute question relative au mouvement inter contacter J. MILLE ou venez nous voir mercredi 1er décembre de 13h à 17h et jeudi 2 décembre 2004 de 17h à 19h au lycée St Charles à Marseille.

Informations
Promotion de grade
Réadaptation . Réemploi - réforme des retraites
Calendrier prévisionnel du Rectorat

APV
Contributions à la lecture du rapport Thélot (les citations tirées du rapport sont entre guillemets)
Faire du faux neuf avec de l'ancien authentique
L'école, pour quoi faire ?
Un rapport rhapsodique
Le socle commun
Un terme trompeur
Quand le fondamental n'est pas indispensable
De la définition du socle à la redéfinition du métier d'enseignant.
Le professeur nouveau, version Thélot. Notre avenir ?
Le professeur nouveau : un éducateur avant tout
Un professeur nouveau à former
Un service allongé…
Et l'enseignement ?
Et enseigner où ?
Un professeur rénové, collectivement autonome
Un professeur nouveau, au cœur et responsable
Un professeur soumis à une évaluation objectivée
Du pouvoir du professeur nouveau
Et les conditions de travail ?
Le professeur nouveau : un enseignant hors pair
Des signes d'espoir
EPILOGUE

Cette Lettre est essentiellement consacrée à des contributions sur le rapport Thélot ( Marc et Marie Françoise LABIT, Jacques MILLE ) et au mouvement Inter -académique.
En signalant que les changements intervenus dans ce dernier doivent impérativement être connus par toutes celles et ceux qui envisagent de demander une mutation cette année, ou dans un proche avenir, au mouvement Intra académique, tant les modifications apportées peuvent être lourdes de conséquences, positives ou négatives, pour les uns et les autres.
 
Informations
Candidatures ou dossiers à consulter par SIAP : www.education.gouv.fr/personnel/siap
Voir BO N° 42 du 18 novembre 2004 , pour conditions et modalités , et Bulletin académique, à parution.
 
- Accès au corps des Agrégés, Certifiés , Professeurs d'EPS.
- Intégration des AE et CE dans les corps des certifiés, Professeurs d'EPS , PLP, CPE.
Date limite des candidatures : 10 décembre 2004 ( dossiers et pièces jointes : 17 décembre 2004 )
 
Promotion de grade.
Inscription sur tableau de promotion par le Recteur . Consultation et vérification des dossiers sur SIAP.
- Hors classe et Classe exceptionnelle PEGC et CE d'EPS
- Hors classe des Agrégés, jusqu'au 7 janvier 2005, et pour les dossiers complétés, au 14 janvier 2005.
 
A noter pour l'accès à la Hors classe des Agrégés : modalités antérieures ( critères avec barème ) reconduites mais complétées par l'attribution, dans la limite d'un maximum de 40 pts, par le recteur , et sur avis, pour :
Investissement professionnel
Diversité et richesse du parcours professionnel
Implication dans la vie de l'établissement ( avec avis du chef d'établissement )
Qualité de lauréat du concours de l'agrégation.
Inutile de dire que cela risque de peser très lourd dans le classement qui sera établi par le recteur, en laissant la porte ouverte à des interprétations discutables de la notion " d'implication dans la vie de l'établissement ", par exemple pour un excellent professeur en terme d'enseignement, de résultats et de relations avec les élèves, mais qui ne s'impliquerait pas, ou trop peu, dans la "vie de l'établissement" ( notion flou et interprétable ) , aux yeux de son chef d'établissement.

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Réadaptation . Réemploi.
Candidatures à établir pour transmission au Rectorat par l'établissement au 3 décembre 2004 ( dossier médical , jusqu'au 17 décembre 2004 ) Voir Bulletin académique n ° 299 du 8 novembre 2004.
 
Réforme des retraites.
Voir Bulletin académique n ° 300 du 15 novembre 2004 , pour des précisions sur :
Rachat des années d'études > Retraite additionnelle de la Fonction Publique
Carrières longues ( départ avant 60 ans ) > Pension de réversion

Calendrier prévisionnel du Rectorat

15 décembre 2004 PEGC, CAPA, Avancement d'échelon
10 janvier 2005 CPE, CAPA, Avancement d'échelon
13 janvier 2005 Agrégés, CAPA, Accès au corps des professeurs agrégés
20 janvier 2005 Certifiés, Prof. EPS, CAPA, CAPA, Liste d'aptitude pour accès au corps
28 janvier 2005 GT, Examen des candidatures (réadaptation)
23 février 2005 Agrégés, CAPA, Propositions d'accès à la Hors classe

Pour tout ce qui concerne le mouvement, veuillez nous faire une demande d'envoi  de la Lettre 26 pour avoir les informations sur le mouvement INTER académique.
APV : pour le mouvement inter et intra, le ministère a décidé de classer dans une même catégorie, dite APV, les établissements sensible, violence, zep, ruraux isolés, etc. qui ouvraient jusqu'ici droit à des bonifications spécifiques. La liste de ces établissements est arrêtée par le Recteur, qui peut en ajouter ou en retrancher. Pour l'académie Aix-Marseille, tous les établissements classés sensible et violence ont été retenus dans la liste APV soit 64 établissements (voir liste dans BA à paraître) En revanche les établissements classés ZEP n'en font pas partie. Les bonifications afférentes varient à partir de la 5ème année d'exercice continu, selon que l'intéressé(e)est dans un établissement classé APV ou non.


Contributions à la lecture du rapport Thélot ( les citations tirées du rapport sont en italiques )
Le rapport Thélot : de la fin de l'Ecole à la fin de l'Histoire.
 
A chaque ministre son rapport, ses propositions, sa réforme. François FILLON dispose du rapport Thélot pour préparer, en toute hâte paraît-il, la énième réforme de l'éducation. Mais sur quelles bases ?
 
Faire du faux neuf avec de l'ancien authentique.
 
Une première remarque s'impose. Ce rapport prétend " enraciner profondément ses recommandations dans le grand débat" de 2004. Mais ce "grand débat" avait été suscité par Luc FERRY sur la base d'un constat que la "Lettre à tous ceux qui aiment l' Ecole", pourtant brûlée en place publique, avait eu le mérite de dresser. Or la formulation finale des questions et l'encadrement du débat par les relais locaux de la pensée unique en ont complètement dénaturé la portée : il ne s'agit plus de refonder l'école mais - c'est l'antienne du rapport - " faire réussir tous les élèves" . Formule consensuelle d'autant plus lénifiante qu'elle permet de faire passer pour innovantes des propositions et pratiques préconisées par toutes les réformes de ces trente dernières années ( avec le résultat que l'on sait ! ) : polysynodie, bi-valence et augmentation du temps de présence des professeurs, renforcement du pouvoir des IUFM, implication des parents dans l'école, pratique élargie du partenariat…
On attendait une refondation, on récolte une incantation.
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L'école, pour quoi faire ?
 
Au lieu de recentrer l'école sur une mission prioritaire et fondamentale, le rapport Thélot aggrave au contraire la paralysie du système en officialisant l'assignation de finalités multiples.
" Eduquer, instruire, intégrer et promouvoir  " . Là encore, c'est très consensuel. Mais comment ces missions se hiérarchisent-elles ? L'éducation est-elle le préalable de l'instruction ? Sa conséquence ? Que serait une instruction qui ne favoriserait pas l'intégration, la promotion ? " Les finalités de l'Ecole sont diverses et difficiles à hiérarchiser " lit-on p.22. Difficulté en fin de compte résolue… par la suppression du problème p. 32 : " en choisissant de débattre sur le "comment" plutôt que sur le "en vue de quoi" , nos compatriotes sont allés directement au cœur du problème de notre école. Ce n'est pas tant, en effet, sur les missions et les valeurs de l'Ecole que porte l'incertitude actuelle, que sur les moyens de les accomplir, ou de les incarner efficacement  " .
Retenons que les finalités de l'école ne doivent pas faire problème, ni surtout débat ( pensée unique oblige ) , que le "comment" l'emporte sur le "pourquoi " . Les conséquences immédiates sont prévisibles : faute d'une finalité précise, l'on va continuer à se décharger sur l'école - et sur ses enseignants - de toutes les responsabilités de la famille et de la société.
 
Un rapport rhapsodique.
 
Ce rapport est aussi décevant en ce qu'il se présente comme une fausse synthèse, un collage polyphonique, une émulsion instable d'ingrédients philosophiques contradictoires : une louche de pédagogisme, une pincée de libéralisme, un saupoudrage de républicanisme ( encore allégé par les départs d'Elizabeth Altschull, Monique Canto-Sperber et Alain Finkielkraut, qualifiés par le Monde du 10 octobre de " partisans de la vieille école " ) . Bref une vraie " fusion-food " !
On pourra certes évoquer les aléas techniques du travail en commission : il n'importe. Tout l'art rhapsodique du rapport consiste à faire tenir ensemble ces trois composantes.
Les "républicains" se contenteront de formules claironnantes du genre " l'Ecole de la République est le creuset où se forme la Nation " ( p. 34), les "pédagogues" apprécieront les encadrés qui sont autant de micro-usines à gaz qui montrent à l'envi  que plus le "comment" ( l'éducation ) est compliqué, mieux on résout les problèmes. Quant aux "libéraux" , ils aimeront le discours adaptionniste qui traverse le rapport , quand par exemple on lit, p.38, que les programmes " correspondent aux besoins de la société et que ceux-ci évoluent avec le temps". Notons au passage que cette affirmation signe, à l'évidence, l'arrêt de mort de la culture classique .
Cette volonté de conciliation dans un discours flottant, ou néanmoins l'éducation prend largement pas sur l'instruction, repose sur une rhétorique du compromis : rhétorique concessive multipliant les " sans que" , les " non pas que" , les "tout en " …, ou rhétorique exclusive du " ni...ni " dont Barthes écrivait qu'elle " relève de la belle morale du tiers-parti ", de ceux qui ne veulent pas choisir.
 
En fin de compte, comment un tel rapport pourrait-il apporter quelque remède, lui qui n'est qu'un symptôme des maux de notre société post-moderne : essoufflement de l'innovation, peur de choisir, refus de tracer une ligne, dérive instrumentale d'une culture du "comment" et surtout manque d'ambition pour une école qui n'est plus que l'instrument d'une adaptation au monde comme il va, au lieu d'être le moyen d'un remaniement du réel ?
Le rapport l'avoue piteusement lui-même, p.36  " le projet éducatif de l'Ecole n'est plus, comme hier, porté par un volontarisme politique arrimé à une conception ambitieuse  de la Nation et du Progrès " .
Le rapport Thélot sonnerait-il lui aussi la fin de l'Histoire, avec celle de l'Ecole ?
Marc LABIT
 
Le socle commun.
 
Les propositions de la commission Thélot convergent vers un but clairement énoncé dans les titres des deux grandes parties du rapport "Que signifie : faire réussir tous les élèves ? " et " Faire vraiment réussir tous les élèves ". La commission développe huit programmes dont le premier concerne l'organisation de la scolarité obligatoire ( jusqu'en fin de 3ème ) avec comme objectif prioritaire, voire unique de " s'assurer que chaque élève maîtrise le socle commun des indispensables et trouve sa voie de réussite ".
Sauf à pratiquer le déni de réalité, en chantant les louanges du collège unique et la cantilène du niveau qui monte, force est de constater que l'Ecole n'est plus capable d'assurer sa mission essentielle dans un nombre significatif de cas. La commission rappelle cette triste réalité : "un collégien sur sept en situation d'échec en raison de graves difficultés qu'il éprouve en lecture, en écriture et en calcul  " et donne un chiffre : " 60 000 jeunes sortant chaque année de l'école sans qualification ".
Le statu quo n'est donc pas souhaitable. Le socle commun apporte-t-il alors un début de solution ? Rien n'est moins sûr.
 
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Un terme trompeur.
 
Le socle, contrairement à ce que mot suggère, s'avère variable et fluctuant : "il correspond aux besoins de la société et ceux-ci évoluent dans le temps ".Constatons qu'il n'y a plus là aucune autre ambition que de soumettre l'école aux besoins changeants de la société.
Et le socle risque d'être bien mince car "il ne s' identifie pas aux programmes " et son contenu doit être" accessible à l'ensemble d'une classe d'âge ". Et encore : " La maîtrise de ce socle  doit être la priorité d'une Ecole juste " . Il faut donc en arriver à un strict minimum exigible.
 
Quand le fondamental n'est pas indispensable.
 
La commission précise qu'elle n'a pas vocation à définir le contenu du socle, mission qui doit incomber à une Haute Autorité indépendante " composée de personnalités diverses dont la majorité ne sont pas des experts du système éducatif " (? ), après indication par la Nation au travers du Parlement " des objectifs que l'Ecole doit atteindre dans le cadre de la scolarité obligatoire  ".
Elle propose cependant quelques pistes.
Explication de mots : " socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement ". Connaissances : deux piliers, " la langue française et les mathématiques " ; compétences : deux domaines , "l'anglais de communication internationale et l'informatique " ; comportement : " les règles du vivre ensemble " qui vont " de la politesse à la Chose Publique ".
Tout le reste, littérature, histoire, géographie, sciences, langues vivantes, éducation physique, arts, travail manuel ( activité réintroduite et qui ne nous semble pas mériter le mépris ) constituerait des "enseignements communs fondamentaux " certes, mais non "indispensables", puisque leur évaluation n'est prévue qu'à la fin du collège sous la forme d'un Brevet en deux parties : un " certificat de maîtrise du socle " et une validation des autres enseignements sur la base connue du panachage d'examen et de contrôle continu.
Le mot "connaissances", et ce qu'il recouvre ,se trouve ainsi dilué dans un ensemble à la fois plus vague et plus informel. On peut se demander si le besoin souvent exprimé de recentrer l'Ecole sur les apprentissages fondamentaux trouve là une bonne réponse.
La distinction entre l'indispensable et le fondamental  laisse perplexe. Comment pourra-t-on échapper à un recul des exigences et à un alignement sur les compétences des plus faibles ? Et d'autant plus qu'il faut absolument que ces derniers réussissent pour que le projet, essentiellement conçu pour eux, atteigne son objet de "la réussite pour tous les élèves".
 
De la définition du socle à la redéfinition du métier d'enseignant.
 
Le cadre : les trois cycles de la scolarité obligatoire . Cycle des apprentissages (de la maternelle au CE 1 ) ; cycle d'approfondissement ( du CE 2 à la 6ème ) ; cycle de diversification ( de la 5ème à la 3ème ).
Le passage d'un cycle à l'autre est subordonné à des "critères évalués"  de maîtrise du socle.
Soit. Mais dans le cadre de l'éducation au "vivre ensemble ", qui n'est pas une matière d'enseignement, que se passera-t-il, à la fin du cycle d'apprentissage, ou de tout autre cycle, si l'enfant ou l'élève est impoli, insolent, agressif … ? Il redouble ? Le terme n'apparaissant jamais sur la totalité des pages du rapport ( n'aurait-il jamais été employé lors du "grand débat " ? ou serait-il un terme banni ou grossier que l'on ne saurait employer ? ), cette réponse est sans doute déplacée !
La "personnalisation du temps scolaire ": les élèves les plus en difficulté pourront ne se consacrer qu'à cela , y compris avec une année supplémentaire.
La " personnalisation des pratiques " : il va falloir revoir la formation des enseignants pour qu'ils deviennent " des spécialistes de l'hétérogéneité " , dans le cadre " d'une collégialité des pratiques pédagogiques dans le contexte de décloisonnement à l'intérieur des cycles  ". Le cycle médian englobant la 6ème , la commission " suggère une certaine polyvalence pour les PLC ( professeurs des lycées et collèges ) et une certaine spécialisation des PE ( professeurs des écoles ) lorsqu'ils exercent dans le cycle d'approfondissement  ".
Ainsi tout le système et l'énergie des professeurs se trouvent mobilisés autour des élèves les plus faibles ou les plus en difficulté pour supprimer l'échec scolaire. On pourrait l'admettre si l'on était certain du résultat. Hélas ! La commission elle-même, semble en douter. En effet, que faire si un élève ne maîtrise pas le socle, même avec un an de plus et tous les dispositifs envisageables ? Il faut alors concéder un passage dans le cycle supérieur avec " des dispositifs dérogatoires individualisés " allant des " tutorats spécifiques " (préceptorat ? ) à des "dispositifs spécialisés " ( ? ) .
Bref, il est hors de question que le socle commun ne soit pas acquis par tous les élèves… mais il se pourrait fort bien qu'il ne le fût pas. Il resterait alors la formation continue, comme bouée de sauvetage…
 
En attendant, rien dans le rapport Thélot ne témoigne d'une prise de conscience de la faillite de notre système qui se manifeste à l'autre bout de l'édifice : le pourcentage élevé d'échecs à l'entrée dans l'enseignement supérieur, preuve que les faiblesses et les lacunes, si elles sont particulièrement criantes chez certains pour qui ce socle a été pensé, touchent l'ensemble de l' Ecole.
De cela, il n'est jamais question dans l'ensemble du rapport.
Quant aux "solutions" apportées, elles n'incitent guère à envisager une élévation du niveau, au détriment de tous.
Marie Françoise LABIT
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Le professeur nouveau, version Thélot. Notre avenir ?
 
"Dans l'équipe éducative, redéfinir le métier d'enseignant".
Tel est l'objectif exposé au chapitre 6 du rapport Thélot,qui n'est rien moins que le portrait tracé du " professeur nouveau ", ou "rénové" dont l'ensemble du rapport permet de saisir les contours et les traits.
Dès le titre, le décor est planté : il s'agit de changer profondément le métier d'enseignant dans un cadre collectif, moyen absolu pour atteindre l'objectif ambitieux ( utopique ? ) et hautement louable ( qui oserait n'y souscrire ? ) de " la réussite de tous les élèves".
Le professeur étant reconnu comme au cœur du système et rien ne pouvant se faire sans lui en tant " qu'élément déterminant de l'efficacité de l'Ecole", c'est donc sur lui que repose la mise en oeuvre et la réussite du projet.
Cependant les professeurs d'hier et d'aujourd'hui n'étant manifestement pas à la hauteur et "inadaptés" ( " ils ont le sentiment de devoir assurer, sans y avoir été préparés, des rôles et des fonctions diverses : travailleurs sociaux, parents de substitution, voire psychothérapeutes, etc …" et implicitement tenus pour responsables d'un échec scolaire persistant et croissant, il convient donc de les amener à changer, en "travaillant autrement ", dans le cadre de "missions nouvelles et renouvelées". En clair, de leur faire accepter d'être demain, ce qu'ils refusent d'être aujourd'hui.
Et si l'on n'y parvient pas d'emblée, car le corps est résistant, on compte bien sur "le renouvellement massif dans la décennie à venir" du stock ( comme avait dit un certain Lionel Jospin ) pour mettre en place les "professeurs nouveaux", issus d'IUFM rénovés et renforcés, comme artisans dociles et responsables de la réussite de tous les élèves.
Dès lors l'image du "professeur nouveau" commence-t-elle à nous être révélée. Qu'attend-on de lui ? C'est à dire de nous ? De vous ?
La réponse est finalement assez simple : TOUT.
 
Le professeur nouveau : un éducateur avant tout .
 
Et avant tout, car cela semble la panacée, d'être un EDUCATEUR, tant il est évident à la lecture que la "mission éducative" , véritable fil rouge, l'emporte sur tout, et particulièrement sur la "mission d'instruction", de transmission des connaissances et des savoirs, réduite à la portion congrue.
Qu'on en juge, par quelques extraits : "il faut élargir la conception du métier" "en rappelant avec force sa dimension éducative"; "l'Ecole doit assurer une part plus importante à l'éducation de la jeunesse"  et " intégrer les autres missions que celles d' enseignement" "en renforçant la fonction éducative".
Le "professeur nouveau" est ainsi investi d'une multiplicité de tâches éducatives "nouvelles ou renouvelées", auxquelles il devra faire face dans une "mission éducative inédite", définie comme un "défi majeur, à relever ".
Et, tout aussi clair, "il faut définir un nouvel équilibre entre transmission des savoirs et missions éducatives", entendons entre Instruction et Education , " nouvel équilibre" étant bien compris au profit de la seconde, et au détriment de la première.
On ne saurait mieux dire.
Certes nous savons tous qu'instruction et éducation vont de pair, et qu'il serait bien piètre professeur celui qui ne serait pas aussi un éducateur, ne serait-ce que pour pouvoir assurer en toute sérénité ce que le rapport appelle joliment "l'acte pédagogique", c'est à dire enseigner. Mais tout est dans le rapport de l'un à l'autre. Et "s'il n'y a pas de raison à opposer instruction et éducation", sauf à évacuer commodément le problème, comme le fait le rapport, il y a, pour nous, raison à estimer qu'il y a danger quand l'éducation prend le pas sur l'instruction et envahit - ce qui est le cas à la lecture objective du rapport - le métier d'enseignant ainsi "redéfini".
Danger pour l'instruction, bien sûr, c'est à dire le niveau intellectuel et culturel de tous les élèves, autrement dit de la Nation, si l'on se contente "d'exiger" d'eux un minimum, au lieu de chercher à les "élever, par l'effort" vers les plus hauts niveaux.
Danger aussi, pour la démocratie, si la priorité éducative devient quasiment une fin en soi, avec les risques de conditionnement, de mise au pas ou au moule que cela comporte pour tous, élèves comme professeurs.
Car c'est bien là tout ce que l'on voit, en filigrane du rapport, qui vise à modeler le "professeur nouveau", pour en faire l'artisan , docile et respectueux d'une éthique officielle, d'un projet de réforme auquel il devra souscrire, sous peine de sanctions.
 
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Un professeur nouveau à former.
 
Le cadre en tracé dès son recrutement ( académique, même si le concours reste national ) et sa formation initiale dans des IUFM rénovés et renforcés. IUFM à propos desquels on admirera le paradoxe du rapport qui conclut clairement à leur échec, et propose donc, comme remède, de leur donner plus d'importance encore !
Qu'en serait-il alors pour nos futurs collègues PLC( professeurs des lycées et collèges ) ?
La formation visera à faire d'eux " de vrais professionnels de l'enseignement ", avec prise en compte lors d'un entretien décisif devant un jury " de la dimension de plus en plus éducative de la profession", et de sa "transversalité". Cela pour enseigner "sans a priori idéologique ","dans le respect de l'éthique du métier", avec en particulier "un devoir de réserve  vis à vis de l'Institution" et "un comportement exemplaire", lequel, comme les résultats du travail accompli, sera "soumis à des évaluations régulières, renouvelées et suivies d'effets (sic) " " sous le regard croisé de plusieurs personnes" , plusieurs réduites à deux ( inspecteur et chef d'établissement ) car on n'a pas, visiblement, osé aller plus loin ( ce qui eût été somme toute logique) en proposant le "regard"  des élèves, des parents, des autres chers collègues, des personnels de service, etc…
Mais n'ayons guère de doute ces "regards" seront certainement pris en compte ( comme ils le sont déjà ) de manière discrète, tant le contrôle collectif, par le travail en équipes et par la multiplicité des instances de concertation, sourd en permanence du rapport.
 
Un service allongé…
 
La "dimension éducative" devenant ainsi plus prégnante on prévoit pour les futurs "professeurs nouveaux" "un allongement du temps de présence dans les établissements, de 4 à 8 heures ". Cela pour pouvoir assurer pleinement "les missions éducatives nouvelles et renouvelées" , en complément de l'instruction ( "accompagnement, encadrement, aide, suivi, orientation, pilotage de proximité…") et pour pouvoir participer, dans un travail d'équipes systématique, aux multiples réunions de coordination, de concertation, aux multiples conseils, etc…prévus avec les "partenaires" du système ( parents, professionnels, associations, entreprises…) dans un cadre lui-même systématiquement collectif "d'éducation concertée" avec, entre autres, les parents omniprésents ( on ira même les chercher s'ils ne viennent pas ). "Education concertée" assurant tout à la fois la confusion des genres et la dilution des responsabilités.
Gageons évidemment que cet "allongement du temps de présence" de l'ordre de 22 à 44 % pour un certifié , que nous appellerons plus simplement "une augmentation du temps de travail" s'accompagnera, comme le souhaite l'auteur du rapport ( mais ce n'est pas lui qui paiera ! ) d'une hausse équivalente des traitements des professeurs nouvellement recrutés, ainsi que des professeurs en place qui accepteraient, pour ce prix, d'être ainsi "rénovés" . Avec de surcroît la garantie pour tous de travailler dans des établissements "à taille humaine" et " en disposant de locaux ( bureaux) et de matériels"  généreusement mis à leur disposition par les collectivités territoriales concernées. On peut toujours rêver !
 
Et l'enseignement ?
 
A ce "professeur nouveau " ainsi formé ( d'aucuns diraient "formaté") , chargé - au plein sens du terme - de missions éducatives multiples et variées, nouvelles ou renouvelées, le rapport reconnaît qu'il incombera aussi "d'enseigner et d'instruire".
C'était bien le moins que l'on pouvait attendre d'un rapport proposant une réforme de l'enseignement ambitionnant de faire réussir tous les élèves, sauf à constater qu'en privilégiant l'éducation dans ladite réforme on est nécessairement amené à châtrer l'instruction, en vertu du "nouvel équilibre" précédemment évoqué.
Nous ne reviendrons pas sur "le socle commun", "les indispensables" et " les fondamentaux" , et ce que l'on peut en penser, mais marquerons plutôt que la lecture du rapport nous conduit à constater que la "dimension enseignante" du métier tend à se restreindre et à s'appauvrir… tout en semblant s'élargir et s'enrichir !
Comment, en effet, ne pas voir dans la bi- ou la poly-valence proposée, un affaiblissement disciplinaire ? Et, dans les propositions relatives au Collège , une primarisation du premier cycle actuel du Secondaire ? Puisque il faudra bien faire , à ce niveau , ce qui ne l'aura pas été à l'école primaire .
 Reconnaissons, sur ce point, que le processus est déjà largement engagé, le lycée devant rattraper les manques du collège, et le Supérieur, où les années zéro et les mises à niveau sont de règle aujourd'hui, les insuffisances du lycée .
Mais en même temps, comment ne pas interpréter comme un élargissement et un enrichissement le fait d'être reconnu "compétent transversalement", "maîtrisant des compétences pluridisciplinaires", et, summum, capable d'enseigner cette nouvelle discipline polymorphe merveilleusement nommée "le vivre ensemble" , tout en étant devenus " des spécialistes de l'hétérogéneité" affirmée comme un dogme intouchable, encore que... " un peu , ça va, mais pas trop tout de même...", quand on lit qu'il faut "éviter une trop grande hétérogénéité d'âges dans la classe"  ou la réserve liminaire : "l'hétérogéneité, lorsqu'elle n'est pas trop grande…". Mais justement, elle est souvent trop grande !
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Et enseigner où ?
 
Quant à l'affectation de ces "professeurs" nouveaux" , en sortie d'IUFM, et pour prix de leur engagement , on leur promet, s'ils ont la vocation et s'ils sont volontaires pour enseigner dans des établissements difficiles, de "substantielles primes" et autres "avantages de carrière"  ( sans plus de précisions ) pour pouvoir aller "pantoufler" ensuite dans des établissements plus agréables.
Volontariat quelque peu forcé, peut-on penser. Mais enfin !
 Mais aussi à quoi bon, puisque s'ils ne sont pas volontaires on ne les y nommera pas ! Mais alors où ? Mais alors qui ? Poser les questions, c'est y répondre de façon plutôt gênante, et enclencher une réaction en chaîne dont les effets pervers apparaîtront vite et conduiront à affecter malgré tout, et surtout malgré eux, dans les établissements difficiles … celles et ceux là mêmes qui n'étaient pas volontaires pour y aller ! Le mouvement 2005 illustrera sans doute à merveille ce processus.
Mais peut être, cyniquement et sans le dire, prévoit-on qu'il n'y aura plus, dans l'avenir, que des établissements difficiles, ce qui aurait pour double avantage de supprimer le problème et de réaliser enfin cette égalité tant recherchée entre les établissements !
 
Un professeur rénové, collectivement autonome.
 
Voilà donc, brossé à grands traits, le portrait du futur "professeur nouveau", portrait qui pourrait s'appliquer évidemment aux professeurs en place, qui ne vont pas tous "dégager" du jour au lendemain, et dont on espère la "rénovation" dans le cadre de "la redéfinition du métier d'enseignant" en les incitant " à élargir (sic) leur conception du métier"
Pour eux, pour tous, le régime décrit comme incontournable, la panacée à tous les problèmes , la voie royale hors de laquelle il n'y aurait point de salut, est celui du "travail en équipes, pédagogiques, éducatives…" dans une concertation permanente avec les "autres acteurs et partenaires du système éducatif".
Pointons là une contradiction majeure, sautant aux yeux et révélant la duplicité du rapport : page 96 l'auteur se fait le chantre de "l'autonomie pédagogique du professeur", "un des attraits du métier", en ajoutant qu'elle doit "non seulement être préservée, mais encore renforcée… pour la réussite des élèves ". Si l'on en restait là, nous n'aurions qu'à nous féliciter. Mais la suite du propos ( page 97 ) fait vite déchanter, anéantissant littéralement cette autonomie en déclarant "qu'elle ne pourra s'exercer et se fonder que sur une responsabilité et une expertise (sic) collective". Comprenne qui pourra. Et si nous n'avions pas compris le propos est repris plus loin , en parlant " de l'autonomie des choix pédagogiques au sein d'équipes éducatives ".
Nous ne confondons évidemment pas "autonomie pédagogique" et "liberté de faire n'importe quoi" , mais nous ne pensons pas qu'il soit souhaitable que le professeur, dans sa pratique pédagogique, soit systématiquement encadré, bridé, surveillé, contraint à se justifier, jugé, ni par ses pairs, ni par d'autres, fussent-ils "partenaires", sauf à ne lui accorder aucune compétence pédagogique et professionnelle ( mais on nous dit qu'il sera "un vrai professionnel de l'enseignement"  ), ni aucune confiance ( reconnue en fin de rapport comme la clef de voûte de l'édifice ).
 
Un professeur nouveau, au cœur et responsable.
 
L'image de notre "professeur nouveau" se précise ainsi. Mais le
portrait est loin d'être complet, tant il est vrai que le rapport le place au cœur et au centre du système ( on croyait jusqu'ici que c'était l'élève, mais passons ), et que l'on attend TOUT de lui.
Il lui faudra donc se plier aux exigences du projet. Et d'abord appliquer le postulat "d'une adaptation aux besoins des élèves, voire de chaque élève, et en particulier des plus faibles"  et "d'une évaluation en fonction de leur projet éclairé".
Nul ne devant rester en route, tout sera tendu vers le sauvetage des plus faibles et des plus en difficulté ( ce qui est normal ) , mais aussi des plus fumistes, des moins travailleurs, des plus réfractaires qu'il faudra, à tout prix ( au sens plein du terme ) , fût-ce celui "d'un accompagnement personnalisé", version moderne du préceptorat, "motiver et faire réussir".
A la limite , et sans trop forcer le trait, on pourrait écrire que " moins un élève travaillera, plus il faudra s'occuper de lui, et lui consacrer temps et argent" !
Mais la Nation, et les contribuables, ne sauraient regarder à la dépense quand il s'agira d'afficher 100 % de réussite pour tous les élèves.
Notre "professeur nouveau" ou "rénové" devra donc, impérativement faire preuves de son efficacité pédagogique et engager sa responsabilité en cas d'échec. Ne lit-on pas en effet ce propos redoutable : " le professeur est responsable des progrès évalués de tous les élèves", ce qui signifie clairement une obligation de résultats, et pas seulement de moyens. Le clou est enfoncé quand il est dit, dans un vocabulaire qui ne cache pas ses origines, qu'il faut "désormais passer du gouvernement par les règles, au pilotage par les objectifs et les résultats".
Porte ouverte à tous les dérapages quand il faudra absolument , pour être bien évalué, faire preuve des progrès - fussent-ils factices - de tous les élèves !
Car on comprend bien que si des élèves décrochent, s'ennuient, ne réussissent pas, ce n'est point de leur faute, mais de celle du maître qui n'a pas su s'y prendre et les "motiver". Donc responsable de l'échec, et sanctionnable par les évaluations portées sur lui par les "regards croisés" précédemment évoqués, dont celui du chef d'établissement, au pouvoir renforcé, ne sera pas le moindre.
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Un professeur soumis à une évaluation objectivée.
 
Mais le pire est à craindre car "l'évaluation objectivée (sic ) " prendra en compte "l'ensemble des activités professionnelles du professeur"  en se fondant tant sur ses résultats que sur son comportement, et les avis portés sur lui par les uns et les autres au sein des différentes instances de concertation où les partenaires, parents en particulier, seront omniprésents, qu'ils soient compétents ou non.
Il faudra donc se plier aux multiples tutelles prévues par le projet, et plaire au chef d'établissement et à son adjoint, bien sûr, mais aussi aux membres du Conseil d'administration, du Conseil de la communauté éducative, du Conseil pédagogique, faire sa cour au directeur d'études, au directeur de la vie éducative, bien s'entendre avec son coordonnateur pédagogique, les CPE , et naturellement avec les élèves et leurs parents. Et si ça coince malgré tout on pourra toujours s'adresser au "médiateur des conflits interpersonnels" . Tout cela sous le feu d'une "évaluation objectivée"  en forme de couperet pour celles et ceux par trop indépendants, ou à l'échine peu souple, ou de promotion pour récompenser les zélateurs dociles, les cireurs de bottes ou les illusionnistes.
 
Du pouvoir du professeur nouveau.
 
Nous pourrions ici penser en avoir terminé avec notre portrait. Que nenni. Notre "professeur nouveau" étant la clef de voûte du système, il faut lui garantir les moyens et les conditions "d'enseigner, instruire, éduquer, etc…"
Si le rapport est muet sur les effectifs des classes, on le voit plus disert sur l'hétérogénéité, affirmée comme un dogme, et, à plusieurs reprises, sur les difficultés à enseigner dans un climat de "violence et d'incivilités", à des élèves de plus en plus indociles et difficiles.
Aussi la question de l'autorité est-elle abordée, reconnue "comme une attente des élèves et une demande des parents", et nécessaire ne serait-ce que pour que le professeur puisse travailler "dans la sérénité".
Mais on sent que le mot dérange et qu'il a fallu faire quelques concessions, et jamais le mot "discipline" n'apparaît , sinon masqué derrière des phrases alambiquées du style " il faut assurer les conditions de la possibilité de l'acte pédagogique ", comprenons assurer la discipline en classe, ou " renforcer le respect des règles et développer l'éducation à la civilité et à la citoyenneté pour relever le défi que représente la montée de la violence, des incivilités et du communautarisme".  Ouf ! Pour dire "faire respecter l'ordre et la discipline dans la classe". Et encore , "retrouver le sens et la pratique des codes partagés , garantir l'ordre et restaurer la confiance et le respect sans lesquels les professeurs ne peuvent faire travailler les élèves dans la sérénité".
Mais on glisse vite, car rien dans le projet ne saurait être répressif et l'on ne saurait sans risques reconnaître au professeur le droit d'exercer librement son autorité, punir ou sanctionner, sauf à le faire en passant par un "travail collectif"  pour élaborer des "codes partagés", probablement parce que, quoique de "comportement exemplaire"  le professeur ne mérite pas toute la confiance qu'on dit lui reconnaître par ailleurs.
De même pour les décisions concernant le devenir des élèves. Si l'on reconnaît bien au professeur le devoir "d'évaluer les élèves et leurs acquis "  ce qui est répété plusieurs fois, on ne saura jamais comment . Evaluation sommative, formative, normative ? Or le passage d'un cycle à l'autre est conditionné par les évaluations, mais dans un flou généralisé où l'on comprend que les décisions seront toujours collectives, impliquant les partenaires, parents en particulier ( " les décisions ne peuvent être prises sans la participation des parents" ), et fort peu contraignantes ( "on propose" … ).
Quant à l'idée même d'un redoublement, en cas d'échec, il n'en est fait nulle part mention, ce qui est logique puisque tous doivent réussir ! A moins qu'elle ne se dissimule derrière la notion "d'itinéraires alternatifs " pour ceux qui, vraiment …
Disons que nous n'avons jamais pensé qu'un professeur seul puisse décider de l'avenir scolaire d'un élève , et que la collégialité des décisions s'impose, mais en laissant à chacun la prise de responsabilité liée à ses compétences et non la diluer , comme on le constate au travers des multiples instances qui seraient mises en place, sous couvert de dialogue et de concertation .
Chacun dans son pré, et les moutons seront bien gardés, dit le bon sens populaire.
 
Et les conditions de travail ?
 
Il nous reste enfin à voir, pour être complet, et ce n'est pas le moins important , ce que pourrait être au quotidien le travail et les conditions de travail et de vie du "professeur nouveau" ou "rénové".
Et d'abord son emploi du temps, pour lequel tout se déduit des missions à accomplir. Bien sûr 18 heures d'enseignement et d'éducation + 4 à 8 heures pour les "missions nouvelles". Soit 22 à 26 heures de présence et de travail dans l'établissement.
Reste à savoir comment ces heures seront réparties ?
Pour les 18 heures d'enseignement , les choses ne seront guère différentes d'aujourd'hui, sauf que les classes étant à géométrie variable ( des élèves pouvant être à un niveau dans une matière et à un autre dans une autre matière ) des problèmes d'alignement compliqueront sans doute la réalisation d'emplois du temps homogènes, groupés, sans trous.
Pour les 4 à 8 heures de "missions nouvelles" l'impact risque d'être plus gênant puisque le rapport précise que " le professeur devra être très disponible" pour des "réunions compatibles avec les activités professionnelles des parents, par exemple après 18 heures, le samedi, etc…" ( On appréciera évidemment l' et cetera final …! ).
Enfin l'éventualité envisagée de faire remplacer, in situ, les professeurs absents " dans la discipline ou dans une autre discipline (sic) " laisse à penser que d'éventuelles plages libres ( s'il en restait ) pourraient fort bien être occupées à cette fin, correspondant au propos tenu selon lequel les professeurs devraient "avoir une conception moins rigide de l'emploi du temps".
Au bout du compte la probabilité d'être présent dans l'établissement du lundi matin au samedi sans discontinuer ( et peut être même plus ) , et tard dans les soirées, est loin d'être une vue de l'esprit ou un phantasme corporatiste. Cela pourrait contribuer, alors que nous n'avons pas vu l'amorce d'un commencement de début de RTT, à dégrader plus encore nos conditions de travail et de vie.
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Le professeur nouveau : un enseignant hors pair.
 
Quant à l'enseignement lui-même , les compétences hautement "professionnelles" du "professeur nouveau" lui permettront à l'évidence de faire face sans difficultés , et sans problème de discipline, à des classes hétérogènes, par la vertu de l' "éducation concertée" , "créatrice de lien social"  et sur la base de "codes partagés".
Il pourra ainsi enseigner sereinement sa "discipline majeure, sa discipline mineure" voire "une autre discipline en cas de remplacement" et surtout cette nouvelle discipline , promue au rand des priorités absolues, que sera le "vivre ensemble"  . Matière polymorphe allant de la "politesse au respect de la Chose Publique " en passant par " le respect des règles de conduite, de comportement , la civilité, la citoyenneté… " et  dont il faut reconnaître que l'évaluation ne sera pas sans poser problème, surtout si elle doit conditionner le passage d'un cycle à un autre.
Mais préalable néanmoins à toutes les "missions éducatives"  qu'il faudra accomplir au jour le jour, à la fois comme complément de l'instruction ( " aider, soutenir , suivre, accompagner, faire accoucher l'élève de son projet éclairé, orienter, piloter …) , comme "substitut aux familles défaillantes", " garde- fou aux médias"  en délire et "aux dérives de la société".
"Eduquer et instruire au vivre ensemble"  pour "intégrer socialement les élèves" ,  voire politiquement ( par exemple par l'adhésion "à la construction européenne" ), et leur inculquer "une culture commune", type même de la formule creuse et passe-partout, passible de toutes les interprétations et de tous les contenus.
 
Voilà donc brossé le portrait du "professeur nouveau" , ou "rénové" , version Thélot, qui sera confronté à une mission reconnue comme un défi majeur" :  "faire réussir tous les élèves, et en priorité les plus faibles", alors qu'ils sont tous différents , dans des classes hétérogènes, en acceptant d'être de plus en plus un éducateur, et de moins en moins un enseignant.
Mais mission reconnue aussi quasiment impossible, comme le laisse entendre brièvement le rapport par quelques phrases du style " si … l'élève en dépit des efforts déployés… ne parvient pas à …il faudra…" , justifiant la solution d'une formation continue permettant à celles et à ceux qui n'auraient pu, dans le cadre scolaire et malgré tout, réussir, d'y parvenir un jour ou l'autre.
Et c'est là que le rapport nous laisse quelque espoir.
 
Nous serions certes "responsables des résultats" mais nous pourrions opposer que les promoteurs mêmes du projet sont conscients de l'irréalisme de la "réussite de tous les élèves". Et puis comment pourrions nous être" individuellement responsables" quand toutes les décisions seraient prises collectivement ? Et comment pourrait-on juger des résultats de notre "autonomie pédagogique" quand celle-ci serait "expertisée collectivement" ?
En fin de compte la lecture du rapport Thélot écrit à plusieurs mains, d'où certaines contradictions, n'apporte pas que des inquiétudes, si l'on veut n'en retenir que quelques passages, hors du contexte général, passages égarés, ayant probablement échappé à la sagacité des censeurs pédagogistes dont on sent la patte et le poids tout au long du rapport. A moins qu'ils n'aient accepté de les laisser passer pour se dédouaner ou mieux tromper leur monde.
Car en effet ce sont bien eux qui ont inspiré l'essentiel, mais avançant masqués, après avoir lissé leur vocabulaire, et cherchant ainsi à nous refiler un vieux bois usagé sous un vernis trompeur.
 
Des signes d'espoir.
 
C'est donc sur ces passages qui pourraient permettre à notre "professeur nouveau" ou "rénové"  de ne pas désespérer que nous terminerons notre portrait. Passages sur lesquels s'appuyer pour espérer que la petite dose d'alouette du pâté Thélot contrebalance, ou l'emporte, sur la grosse dose de cheval.
Citons : " proposer l'excellence et sa pluralité partout"  Qui n'y souscrit ? " Promouvoir la formation continue pour tous, et particulièrement pour les enseignants" . Qui peut s'y opposer ? Faire en sorte qu'une demande d'inspection, soit rapidement suivie d'effet. C'est le bon sens et l'équité. Reconnaître, même fugacement, le mérite. Bravo . Et demander que les formateurs IUFM " gardent des classes en établissement"  pour ne pas être que des "théoriciens" coupés de la réalité. Qui n'approuve, pouvant même ajouter qu'une telle proposition pourrait s'appliquer aussi utilement aux inspecteurs ?
Et comment ne pas être d'accord avec l'affirmation que " l'Ecole est un lieu de contrainte et d'exigences", "que la relation pédagogique ne saurait être comme un espace démocratique, ouvert à la négociation permanente des normes", reconnaissance surprenante dans le contexte, de la relation inégale entre le professeur et l'élève, et de la nécessité pour ce dernier de s'adapter au professeur et aux normes, quand partout ailleurs est chantée  l'antienne de " l'adaptation du professeur aux besoins de l'élève" ?
Et comment récuser des formules telles que : " les normes de l'Ecole lui appartiennent", ou " l'acceptation tranquille de la singularité de l'Ecole" , avec tout ce que cela peut impliquer justement des différences acceptées entre l'Ecole et la vie, aux antipodes du discours sur l'Ecole " ouverte sur la vie". ?
Et enfin, ce qui pourrait réconcilier les tenants de l'instruction et ceux de l'éducation, cette belle formule qui résume LA mission même de tout enseignant : "élever l'enfant au dessus de lui-même, en le soumettant aux exigences requises par l'acquisition d'une véritable maîtrise des savoirs et des compétences  - ce qui est l'instruction - et des règles de vie en commun  - ce qui est l'éducation - ", mais ajoutons : sans que le "vivre ensemble" , qui est l'éducation, ne phagocyte l'instruction, mission première pour tout enseignant … à moins que l'on ne veuille faire de lui qu'un éducateur.
 
Mais, au fait, que restera-t-il du rapport Thélot dans la prochaine loi d'orientation que nous prépare notre ministre, François FILLON ?
Parions, sans risque, que seules les mesures sans coût seront peut être retenues. Et parmi celles qui pourraient l'être, veillons à ce qu'elles ne se retournent, une fois de plus, contre nous et, par effets pervers, contre les élèves eux-mêmes dont on veut le bien. Car nous le savons par expérience, tous ceux qui ont voulu faire naître un "homme nouveau" et construire un monde idéal et parfait ont fini dans l'oppression et le totalitarisme.
Jacques MILLE
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EPILOGUE
 
A l'écoute de François FILLON dans "100 minutes pour convaincre", le 18 novembre, nous avons le sentiment, même "si tout reste ouvert" comme il l'a dit, que le "professeur nouveau", version Thélot, ne verra pas le jour, tel qu'idéalement conçu.
En effet, en dépit d'un hommage appuyé à la Commission et à son rapporteur, le ministre semble avoir plus les pieds sur terre en ne pas voul
oir trop suivre les "recommandations" du rapport.
L'objectif de la "réussite de tous les élèves" est bien sûr maintenu, comme " l'élève au centre" - ce qui a réjoui M. ALLEGRE - et le principe d'une "pédagogie personnalisée" , avec les moyens ad hoc, pour les élèves en difficulté .
Mais il n'est pas question d'ajouter 4 à 8 heures au service des professeurs. Y a-t-on jamais cru ? Tout au plus une heure supplémentaire "imposée" ( et mieux rémunérée ) pour assurer les remplacements courts dans l'établissement même. Soit. Mais le dispositif existe déjà, pour des résultats bien modestes.
Sur le "travail en équipe", le ministre n'a pas semblé, malgré l'insistance du représentant syndical de service, s'en faire l'apôtre dévoué, préférant au contraire affirmer haut et fort " la liberté pédagogique du professeur" , prôner "l'inspection soutien" plutôt que"" l'inspection sanction" et se montrer réticent à donner plus de poids au chef d'établissement dans l'évaluation des professeurs.
De même a-t-il nettement déclaré que "la discipline n'était pas taboue" , que "l'autorité était nécessaire et devait être restaurée", en laissant "plus de liberté d'action aux enseignants en ce domaine ". Que les classes relais seraient multipliées pour accueillir les élèves les plus difficiles et que des dispositifs seraient mis en place pour lutter contre la violence et la délinquance scolaires.
Quant au redoublement, il en accepte le principe, comme "un moyen parmi d'autres", pour remédier aux insuffisances, sous une forme aménagée et "par décision des enseignants après consultation des parents".
Pour le reste, notons que le "socle commun" est confirmé, avec un contenu qui reste à définir et sur lequel les doutes ne sont pas levés. Que le "Brevet serait obligatoire", mais" pas décisif pour le passage en 2de" . Que le" Baccalauréat serait allégé, avec un contrôle continu élargi, et les TPE supprimés en Terminale au profit d'un dédoublement des classes en langues vivantes". C'est un choix. Qu'un effort majeur doit être ( sera ? ) fait pour "valoriser, développer et moderniser l'enseignement et les voies professionnelles", avec orientation dès le collège ( alternance, découverte professionnelle, éventuellement renforcée pour certains). Que la "formation continue des professeurs doit être développée… en dehors des heures de cours". Que les "IUFM devraient être cadrés nationalement" et les formateurs chargés de classes en établissement. Et pour les jeunes professeurs, issus de ces IUFM, la proposition d'un premier poste dans l'académie de stage : porte ouverte au recrutement local ?
 
Au final une prestation honnête qui peut rassurer certains, et ne pas lever doutes et craintes d'autres. Le sentiment , pour les enseignants, que le métier ne sera pas bouleversé et "redéfini" comme recommandé dans le rapport Thélot, mais qu'il continuera à évoluer par petites touches. Et que ce faisant, émergera peu à peu le "professeur nouveau" , encouragé à innover dans sa liberté pédagogique reconnue et rassuré par la confiance mise en lui pour qu'il puisse exercer pleinement sa mission d'instruction et d'éducation.
Du moins si l' Institution confirme dans les faits les dires du ministre
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