Le
S.I.A.E.S. est un syndicat
d'enseignants académique indépendant et de proximité,
a votre service,
l'adhésion
la moins onéreuse de tous les syndicats d'enseignants de l'éducation nationale,
coordonnées
du syndicat, qui
sommes nous
Janvier 2004
Le courrier du S.I.A.E.S.
n° 21 -
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Intro Malheur aux vaincus ! Et pourquoi pas au S.I.A.E.S. ? Propos pour réfléchir et réagir |
TZR carte scolaire Circulez. Y a rien à vendre ! Appel/Pétition pour la défense du Latin et du Grec |
Intro
Ce Courrier est en partie consacré au
Mouvement Intra - académique, avec un accent particulier mis sur les TZR,
tous touchés par des mesures de carte scolaire, à la suite de la nouvelle
politique menée à leur égard et des modifications apportées
à la géographie des zones de remplacement des Bouches du Rhône et du Vaucluse. Il se veut aussi un prélude au congrès du S.I.A.E.S.
avec la publication de textes reçus d'adhérents, chacun "dérangeant" à sa façon,
et devant nous inciter à réfléchir et à discuter sur notre travail, sur
nous-mêmes et sur "l'univers" dans lequel nous évoluons (élèves, parents,
administration, collègues, et la société elle-même).
Gageons que ces
libres contributions animeront fructueusement nos débats et que vous serez
nombreuses et nombreux à y participer.
Malheur aux vaincus !
Je l'ai souvent répété :
enseigner est un métier de combat - n'y voyez aucune animosité. Ce n'est pas un
métier de pleureuses - n'y voyez aucun sexisme.
Épuisant, passionnant, ce métier ! Nous y passons des heures sur le fil du
rasoir. Enseigner, aurait dit Souchon, c'est comme l'amour ou le revolver,
enseigner " c'est aller au ciel ou tomber par terre".
Ne riez pas: ce sont souvent les meilleurs d'entre nous qui, au final, après une
carrière admirable, se retrouvent au tapis, victimes d'une mécanique imbécile.
J'oserais dire : kafkaïenne.
Ces profs, bien sûr, sont des profs atypiques. Qui enseignent à contre courant
de la mode actuelle… Vous savez, celle qui nous pousse à les cocooner ces "
pôôôvres petits" , à les ménager façon Maternelle. Et ce, jusqu'au lycée. Et
même au delà !
Rappelez-vous : le "petit" vous présente une tache "gros caca colorié " . Il
convient de s'extasier : "Oh mon chéri, comme il est beaaauuu ton dessin! "
Appliqué au collège, au lycée, cela donne : attention ! ne jamais mettre zéro !
ne pas décourager l'Enfant. Pas de remarque négative, surtout dans les
bulletins… Toujours po-si-ti-ver ! L'élève a traité sa jeune prof de
français de " grosse salope" ou de" pute" ? Quelle faute a-t-elle bien pu
commettre pour pousser ainsi le pauvre Enfant à bout ? Car chacun le sait : "
l'élève est naturellement bon, c'est le professeur qui le pervertit " !
Beuglements, portes qui claquent, fiers mouvements de casquettes "kékés",
enseignante en larmes … En salle des profs les regards se font fuyants, la
frilosité s'installe autour de la machine à café. La Vie Scolaire enquête. On
connaît la version du prof. Mouais …il importe avant tout de recueillir celle
de l'Enfant. L'administration convoque les délégués, interroge les élèves ; les
fédérations de parents d'élèves s'agitent : chacune, un œil sur la concurrente
et haro contre le prof… Coupable, forcément coupable.
Au final, les choses finissent souvent par s'arranger. Parents, Direction,
Collègues, chacun y va de sa leçon de "savoir-gérer-une-classe-avec-diplomatie "
ou " comment-ménager-leur-tendre-susceptibilité ". P'tit Rabelais promet de
laver sa casquette à défaut de l'enlever en classe, et notre jeune enseignante y
va de son mea culpa. Rêvant d'accéder un jour au saint des saints, elle
s'efforce de bien raser les murs, de bien plaire à son IPR, de bien s'aplatir,
de bien , toute sa vie, rester conforme au moule.
Oui. Mais voilà les choses ne se passent pas toujours ainsi. Et j'en reviens à
mes profs atypiques. Car il en est encore, parmi nous, qui pensent
qu'enseigner ce n'est pas ravaler toute dignité, qu' aimer, ce n'est pas
systématiquement passer la brosse dans le sens du poil. Ces enseignants ont ,
comme on dit, " leur caractère", et c'est bien là que le bât blesse. C'est là
que le système s'emballe. A une époque où l'on nomme nos caissières " hôtesses
de caisse", nos handicapés " personnes à mobilité réduite", nos balayeurs
"techniciens de surface", ces profs qui osent appeler un chat "un chat", parfois
avec une absence totale de diplomatie, parfois avec un langage imagé, finissent
forcément par attirer l'attention. Shocking ! … Sanction .
Vous ne vous sentez pas concerné ? Laissez moi vous raconter l'histoire de
Monsieur K. Navrante et exemplaire à la fois.
Monsieur K n'est pas un débutant tout frais mastérisé au moule IUFM. Il a de la
bouteille, il sait ce qu'enseigner veut dire. Il a formé des milliers de
collégiens " à l'ancienne" , sans se préoccuper de l'air du temps, sans trop
céder aux réformes des ministres qui passent. Malgré sa rudesse il obtient, de
l'avis général, de très bons résultats. Monsieur K. serait donc un excellent
professeur s'il n'avait la fâcheuse manie d'exiger de ses élèves "attention " et
"respect".
En 2002 - 2003 , Monsieur K. a la malchance de croiser la route de Martin B.
Martin B. est un élève médiocre, paresseux, perturbateur. Élève de 3ème
Z il lit difficilement, a définitivement décroché dans la plupart des matières
et chahute pendant les cours. A l'exception de ceux de Monsieur K, qu'il
craint.
Malgré ce tableau négatif, Martin B. n'a redoublé aucune classe et serait déjà
passé plusieurs fois devant le conseil de discipline s'il n'avait eu la chance
d'avoir une Maman. Une maman militante, pilier d'un groupement de parents
d'élèves particulièrement agressif, une maman procédurière, terreur des conseils
de classe, de celles qui vous disent comment il faut enseigner à leur
progéniture.
Un matin de janvier 2003, pendant un contrôle, Monsieur K. surprend deux élèves
en train de copier. Sans aucun état d'âme, il colle deux zéros. Le contrôle
continue et l'affaire aurait pu en rester là … si l'un des deux élèves n'avait
pas été Martin B. Lequel Martin B. a une maman.
L'affaire s'envenime très vite. A cause de son caractère, Monsieur K. est un peu
isolé en salle des professeurs. Il a très peu d'amis, il n'est pas syndiqué et
ne comprend pas ce qui lui arrive. Il ne fait montre d'aucune docilité, d'aucune
souplesse. Pour lui les choses sont claires: on ne triche pas. Et si on le
fait, on en accepte les conséquences . Point.
Le Principal du collège Zinedine Zidane le convoque, lettre à en-tête du
groupement de parents d'élèves au poing. Ce Principal, qui refuse de sanctionner
les élèves perturbateurs et prône le dialogue, ne veut pas "d'histoires". Il
craint particulièrement les fédérations de parents d'élèves, et Madame B. est
son pire cauchemar. Monsieur K. ne cède pas aux pressions. Il refuse de revenir
en arrière, d'effacer les zéros, de faire recomposer les fautifs. Le Principal
en rend compte à Madame B., laquelle expédie une lettre à en-tête au Rectorat, à
l'IA, au Député du coin, au MRAP, au Lobby des éleveurs de canards, et même au
Cabinet du Ministre. Accompagnée d'une pétition maigrement signée par quelques
parents que Madame B. a réussi à coincer au coin d'un couloir, à l'occasion
d'une rencontre parents professeurs.
L'affaire prend alors une ampleur énorme, tout le Gratin y allant de sa demande
d'explications. On ressort de vieux ragots. Monsieur K. est inspecté. L'inspection-sanction
se passe très mal : l'inspecteur annonce la couleur sans prendre de gants, remet
en cause toute la pédagogie de Monsieur K. , inadaptée aux méthodes modernes, ne
trouve rien à dire ou à écrire de positif. Descente en flammes. Pire : Monsieur
K. est apostrophé devant toute la classe de façon peu diplomate. Martin B.
ricane. Monsieur K. est effondré devant tant d'injustice. Il craque rapidement :
arrêt de travail.
Diminué, Monsieur K. reprend cependant ses cours après les vacances de Pâques.
Mais les choses ne font qu'empirer. Mis au courant de l'affaire, son remplaçant
a filé doux, n'a pas fait de vagues. Martin B. est maintenant le caïd incontesté
de la classe, et sa mère règne sur le conseil de classe. En salle des profs,
tout un chacun fait la gueule à Monsieur K. : on le tient pour responsable du
climat déplorable que connaît le collège en général, et la 3ème Z en
particulier.
Monsieur K. a perdu toute confiance en lui, en son métier, en sa hiérarchie. Les
élèves en profitent pour se venger de sa sévérité passée. C'est le chaos. Et on
l'accuse de "ne pas tenir sa classe" ! Monsieur K. s'enfonce dans la dépression.
Nouvel arrêt de travail. Il passe en demi traitement, devient amer, agressif.
Madame B. ressort son papier à en-tête.
Monsieur K. est convoqué au Rectorat. Il s'y rendra seul et personne ne saura
jamais ce qui s'est passé ce jour-là.
Le 5 juin 2003 , une voisine de Monsieur K., inquiète d'une odeur de gaz
suspecte, alerte les pompiers. Qui arriveront trop tard.
Quelques jours plus tard, devant une poignée de collègues réunis autour d'un
trou, le Principal du collège Zinedine Zidane prononcera d'une voix froide un
discours de circonstance. Fin de l'histoire.
Ah ! vous vous sentez concerné ? Cette histoire vous rappelle des souvenirs, pas
forcément lointains ? Le premier conseil qui me vient à l'esprit est de ne pas
culpabiliser. De ne pas se laisser entraîner dans la spirale. Tout semble se
liguer contre vous ? Et alors ? L'histoire, les arts, la littérature, sont
pleins de personnages qui ont eu raison face à la masse, face aux groupes de
pression. Tiens, un exemple entre mille : je vous renvoie à l'excellent roman d'
Ira Levin " Un bonheur insoutenable".
Le second conseil est lié au premier : ne pas rester seul. Il faut rompre
l'isolement, il faut parler, partager. Il faut se syndiquer.
Et pourquoi pas au S.I.A.E.S. ?
D'abord parce que la cotisation y est
moins chère qu'ailleurs, pour un service dont on ne saurait dire qu'il est
moindre qu'ailleurs. Moins chère la cotisation, car nous allons à l'essentiel.
Nous ne roulons pas en voiture de fonction, nous n'avons pas de locaux en
centre-ville, nous n'imprimons pas en couleurs sur papier glacé. Et pour le
service, c'est celui d'un syndicat qui monte et progresse par la publicité que
lui font celles et ceux qui ont recours à lui. Un syndicat qui monte, mais reste
proche de ses adhérents et de ceux qui le sollicitent. Pas une grosse machine
anonyme et hiérarchisée.
Et puis, répétons-le, le S.I.A.E.S. est IN-DE-PEN-DANT : il y
parmi nous des sensibilités de gauche, il y a des sensibilités de droite , mais
la couleur politique de nos adhérents importe peu…Ce qui est important c'est la
défense de notre métier, la défense de celles et ceux qui l'exercent, la défense
de son devenir.
Et
ça, avec votre aide, nous savons le faire.Richard TRONC
rtronc@voilà.fr
Propos pour
réfléchir et réagir.
Cette année, faisant fonction de
principal adjoint au collège de …, j'ai pu mesurer l'écart entre les textes tels
qu'ils devraient être appliqués et les pratiques ( et surtout les non pratiques
) des enseignants de collège : manque de travail en équipe, manque d'autonomie
par méconnaissance des textes, manque de participation structurée à la vie de
l'établissement ( la prime ISO est perçue, mais les temps de travail afférents
sont négligés ), ceci aggravé par une direction qui ne tient pas à faire trop
évoluer les mentalités. C'est une chose que j'ignorais dans mes activités
précédentes où la complexité de la gestion des élèves en difficulté fait partie
intégrante du service normal et où le travail d'équipe permet de minimiser les
dysfonctionnements individuels, donc de travailler dans un climat plus sécurisé
et serein.
Je ne crois pas que le temps béni des élèves dociles et des parents éducateurs
reconnaissants à l'école puisse revenir de sitôt. Il me semble que l'utilisation
par les enseignants des pouvoirs de propositions pédagogiques élaborées en
équipe et défendues dans des projets et/ou un projet d'établissement n'a pas été
comprise et investie, sans doute car les intéressés n'y ont pas vu où étaient
leurs bénéfices (principalement un meilleur climat de gestion des classes) et
parce qu'ils n'en ont pas l'habitude et n'y voient qu'une surcharge de travail.
Est-ce qu'un syndicat ne se veut que l'amplificateur de réactions
raz-le-bolistes, ou peut-il aussi être un facteur de changement des mentalités
pour que les personnels souffrent moins des transformations inéluctables de la
société ?
Je ne fais pas l'apôtre des dysfonctionnements de la structure ni des attitudes
archaïques de certains chefs d'établissement qui n'ont pas eux-mêmes pris le
tournant et je suis déçu du niveau des querelles idéologiques telles que
relayées par les media qui, parfois, sont le seul niveau d'information d'une
salle des professeurs.
Les professeurs s'intéressent-ils un peu à la pédagogie, à la psychologie des
adolescents, aux neurosciences qui font apparaître certaines pratiques comme
antinaturelles et antiproductives en terme d'apprentissage ?
Il fut un temps, il y a près de deux siècles, où les accoucheurs, après avoir
théorisé doctement, avaient pris l'habitude de suspendre les femmes par les
pieds, la tête en bas, pour les faire accoucher. Il a fallu de nombreux décès et
une grande souffrance pour que cette maïeutique soit abandonnée, avec difficulté
puisque l'allongement de la parturiente est resté de mise, même si on sait
maintenant qu'il vaut mieux marcher, s'accroupir, se suspendre par les bras
comme le faisaient les "sauvages" et les pauvres de tous les temps. La force de
l'habitude fait force de loi qui se réclame "naturelle", si l'on ne prend pas un
peu de recul historique ou géographique.
Notre école doit-elle être condamnée à accoucher de jeunes illettrés en marchant
sur la tête ? Pouvons nous rester couchés à nous plaindre de la douleur
naturelle de l'enfantement des nouvelles générations ( Aristote s'en plaignait
en son temps ) ? Où est la péridurale ? Le cannabis en vente libre ? Et la
surconsommation de neuroleptiques par des jeunes de plus en plus précoces, et
leurs professeurs excédés, qui obligeront à sortir les bistouris pour une
césarienne économique qui laissera des cicatrices disgracieuses ?
Ne pouvons nous apprendre à accoucher de notre future génération en vivant la
douleur en adultes responsables, de manière active, et pourquoi pas émerveillée
de voir combien les jeunes sont différents de nous et souvent mieux adaptés à
leur époque que nous ne le sommes, et comment, dans un échange bienveillant, ils
peuvent nous montrer comment vivre demain pendant que nous leur montrons, nous
professeurs, comment utiliser au mieux leurs capacités pour une meilleure survie
de l'espèce ?
Bonne réflexion sur ces propos, et vos réactions. Auteur
volontairement anonymé.
Circulez.
Y a rien à vendre !
Depuis
les années 80 l'école est à l'évidence entrée dans une logique commerciale.
Les enseignants sont devenus des "boutiquiers". Ils doivent déployer tous leurs
talents et des trésors d'imagination pour motiver les enfants à consommer du
"produit éducatif". A défaut, le chef d'établissement ou l'IPR peuvent
sanctionner l'inefficacité marchande du professeur.
Hélas, je n'ai pas choisi l'enseignement pour cela. Sinon, j'aurais fait
carrière dans une banque, travaillé dans une usine de voiture ou un magasin
d'électroménager. Je ne me sens pas une âme de marchand de soupe. Je n'en ai ni
le goût, ni la formation. Je respecte ceux qui ont fait ce choix, parfois même
je les admire, mais dans mon travail je ne tiens pas à les imiter. En classe,
face aux élèves, je ne fais aucune promotion, jamais de soldes. Je ne traite pas
d'affaires. Je n'ai rien à échanger, rien à négocier. Je ne vends rien. JE
DONNE !
Je donne à chacun…les savoirs, la culture, le sens social, l'ouverture d'esprit,
l'aptitude à s'interroger sur ce qui fait l'universalité de l'homme… Autant de
choses dont je suis persuadé que nous avons tous besoin pour être des adultes
dignes de ce nom.
La conception mercantile de ma mission est une dérive grave qui, en quelques
décennies, a transformé notre système éducatif en un parfait exemple de
catastrophe. Elle génère entre maîtres et élèves des modes de pensée et des
comportements qui sortent du "relationnel normal " pour entrer, non pas dans le
"conflictuel déclaré" , mais , pire, dans le "stratégique rampant".
1. En premier lieu elle nie toute hiérarchie en plaçant celui qui sait et
celui qui ne sait pas sur un plan d'égalité… vendeur, acheteur, dealer, chef de
rayon…ça se vaut ! Or cela fausse la réalité. Par définition, c'est celui qui ne
sait pas qui doit être à l'écoute de celui qui sait. C'est toujours le demandeur
qui doit solliciter celui qui donne, non le contraire.
2. De plus, pour de nombreuses familles , l'école prend l'allure d'un
vaste super marché. Les absences, les incivilités, les livres, les programmes,
les méthodes, les devoirs, les notes, les passages, les diplômes…tout peut être
sujet à "contrat". Depuis vingt ans, quasiment tout a été motif de réforme.
Certes tout peut se discuter, se contester, se négocier, se modifier, mais, bien
sûr, le client est roi, et a toujours raison !
3. En outre, on perd de vue une dimension essentielle de notre travail.
C'est son action " à long terme". La vente est basée sur l'immédiat,
l'instantané, la nécessité ou la satisfaction première, sans grande réflexion en
terme d'avenir lointain. Or si une éducation ratée se perçoit tout de suite ,
une éducation réussie, elle, ne produira ses fruits que bien plus tard, dans un
futur qui, dans l'esprit de beaucoup, n'existe pas. N'existera jamais.
4. Autre conséquence, les enseignants se trouvent placés en première
ligne d'un combat qui n'est pas le leur : satisfaire des caprices de
consommateurs sûrs de leur droit. Lorsqu'elles n'obtiennent pas satisfaction ,
les familles n'hésitent pas à protester, critiquer, harceler, agresser, faire
appel, voire poursuivre en justice…Punching-ball. Merveilleuse profession.
5. Enfin, la concurrence est faussée. Parfois j'ai bien l'envie d'envoyer
certains "clients" aller voir ailleurs. Aller acheter ailleurs. C'est mieux !
Mais hélas, il n'y a pas d'ailleurs. Je suis le seul magasin des environs à
rester ouvert à cette clientèle captive dont les autres boutiques ne veulent pas
de toutes façons.
6. Face à ceux qui refusent mon travail, je n'ai aucune réponse , aucune
porte de sortie. Il n'y a même pas de service après vente ! Alors ne pouvant
rien pour eux, je renonce… Je "gère" des situations ! Expression très tendance
pour dire que ne les maîtrisant pas, je laisse glisser… Je ne donne plus à tous,
ni même au plus grand nombre, mais à un petit noyau d'individus par qui je suis
encore accepté. C'est la négation même de la mission de l'école républicaine.
Cet échec monumental de l'Etat, qui grève l'avenir de la nation, sera-t-il perçu
un jour ?
J'entends dire partout que la culture française est une "exception" qui n'est
pas à vendre. Et tous les jours j'ai l'impression de faire du commerce, dans des
classes ressemblant à un Uniprix un jour de soldes.
La rumeur
circule, affirmant que l'Education Nationale aurait de plus en plus de mal à
recruter de jeunes professeurs. Argument intéressant : on peut toujours faire
miroiter aux postulants que, rompus au négoce, en cas de déception ils pourront
toujours quitter l'enseignement pour ouvrir une boutique. Michel AUTHEMAN
Appel/Pétition pour la défense du Latin et du Grec
Traduction du texte en latin publié dans la Lettre du SIAES
n° 23 du 8 mars 2004.
Rappel.
Pour signer la pétition , voir le site
www.sauv.net ( Sauver les Lettres), sur lequel vous pourrez lire aussi
l'appel / pétition lancé par un collectif d'associations, en faveur du Latin et
du Grec. Cet appel avait reçu, fin mars, le soutien de près de 23 000
signataires. Devant son ampleur le Ministre a reçu ses auteurs et annoncé , peu
après, des mesures conservatoires pour les sections menacées… mais sans moyens
supplémentaires.
Contre les Grands qui nous gouvernent, pour la défense des
cultures antiques.
Jusques à quand, vous les Grands, abuserez-vous de notre patience ? Combien
de temps encore votre folie se jouera-t-elle de nous ? Jusqu'à quelle extrémité
va donc vous jeter votre audace effrénée et mercantile ? Rien, ni les cortèges
bruyants des professeurs défilant dans les rues, ni les larmes des élèves, ni
la sueur des parents modestes pour donner à leurs enfants la meilleure
éducation, rien, non rien, ne vous émeut ? Ne sentez-vous pas que vos projets
sont percés à jour, ne voyez-vous pas qu'il est cerné, tenu à la bride, par tous
ces gens qui le connaissent, votre complot pour démanteler l'Etat au profit
d'une poignée de privilégiés ?
O temps ! O mœurs ! L'égalité entre les citoyens s'est renforcée à travers
d'âpres combats séculaires, et voilà que maintenant l'Etat est divisé d'année en
année, que dis-je ? de jour en jour, en deux classes, ceux d'en bas - pour
reprendre votre propre expression - et ceux d'en haut ! Où est le bien public ?
Où est la promotion de tous pour la sélection des meilleurs ? Où sont les droits
de l'homme.
De moins en moins de maîtres, de moyens, de disciplines d'enseignement : les
écoles d'aujourd'hui deviennent désormais comme des auberges espagnoles, où les
élèves apporteraient le repas préparé chez eux, maigre pour les pauvres, copieux
pour les riches et d'où ceux-ci repartiraient rassasiés, ceux-là la faim au
ventre. Est-ce là l'école de la république ?
O mânes de ce grand ministre qui a ouvert gratuitement à tous les enfants des
citoyens les portes de l'instruction, couvrez-vous la tête de cendres ! Un
homme, portant le même nom et investi de la même charge, défait ce que le
premier a fait.
C'est la règle chez les bêtes que les faibles soient rejetés du troupeau par les
forts et abandonnés à la dent des fauves. Ce sont les Barbares qui ont coutume
de les mépriser, de les réduire en esclavage et de ne leur laisser qu'à peine de
quoi survivre comme des chiens. De nos jours nous voyons des hommes passer la
nuit couchés à même le sol ; certains d'entre eux meurent de froid l'hiver et
tous se font les clients de l'Etat ou de quelque œuvre de bienfaisance. Car
notre société rejette les citoyens qui ne lui semblent plus utiles. Cette
société- là est-elle humaine ?
Bienheureux encore ceux qui survivent comme des chiens ! N'avons-nous pas vu en
août dernier des milliers de vieillards privés de soins succomber comme des
chiens aux rigueurs de la canicule ? Les cadavres de certains n'ont-ils pas été
retrouvés plusieurs jours plus tard ?
C'est la règle chez les bêtes comme chez les Barbares de ne pas honorer les
ancêtres et de ne pas enseigner aux enfants leurs coutumes, leur langue, leurs
œuvre, leurs exploits. Aujourd'hui, dans cette société qui est la nôtre, qui se
prétend civilisée et s'en arroge souvent le droit de civiliser les autres
peuples, les disciplines qui transmettent la mémoire de nos pères sont peu à peu
délaissées, ou le sont déjà, sous prétexte qu'elles traitent du passé, et au
premier rang le latin et le grec.
Cependant on propose aux Français et à d'autres peuples de l'Europe un projet
grandiose : constituer une communauté politique. Constituer ? Non, reconstituer
! car sur quels fondements, sinon sur le patrimoine romain commun ? Elle a
existé jadis, cette communauté, avant que les hordes barbares la dissolvent en
renversant l'empire romain. Et pourtant, comme le fil ténu d'Ariane, déroulé
d'abord par les mains des clercs, puis par celles des philosophes, durant près
de deux mille ans le génie romain a conduit le destin des peuples qu'avait
soumis la Ville. Ainsi le latin s'est-il conservé chez eux, sous des formes
variées certes, et leurs poètes et artistes ont puisé à la source des légendes
romaines - dont la plupart avaient trouvé leur source en Grèce - pour écrire,
peindre ou façonner leurs propres œuvres. Jusqu'aux nations que le peuple romain
n'avait jamais soumises à son empire et où se parlent aujourd'hui encore des
langues étrangères au latin, qui ont peu à peu adopté des mœurs, un droit et des
formes d'art romains. Des colonnes d'Hercule jusqu'aux frontières de l'Asie du
Nord, on peut voir dans les musées, sur les places publiques et dans les
demeures privées les dieux et les déesses romains ou grecs. Sans oublier le
Christ, puisque les Pères de l'Eglise étaient tous romains ou grecs ! Par là
tout homme un peu éclairé voit bien que toutes ces nations sont liées par une
culture commune née d'une Romanité ainsi élargie.
Hélas ! depuis la ruine de la Ville , il est des princes de ces nations qui ont
voulu restaurer par la guerre l'empire romain. Comment ne pas comprendre
pourquoi Charlemagne est allé recevoir la couronne impériale à Rome des mains
du pape ? Comment ne pas voir que "Kaiser " et "Tsar" viennent du mot "Caesar" ?
Et à présent que la paix s'est enfin rétablie entre les nations, que les
citoyens ont compris qu'on les a jetés dans des guerres non pas étrangères mais
fratricides, que l'espérance s'est levée que la communauté soit relevée dans le
silence des armes, nos nouveaux consuls méditent de jeter ce patrimoine au feu
pour remplacer plus aisément la civilisation commune par une commune avidité !
Bon appétit, Messieurs ! O ministres intègres !…
Les nouveaux Barbares guettent à la Porte capitoline. Dans le pli de vos toges,
Grands qui nous gouvernez,vous cachez la clé de Tarpéia tout en vous prétendant
les plus sûrs gardiens du foyer sacré. Craignez le peuple qui, ivre de colère,
vous précipitera un jour du haut de la Toche tarpéienne !
Marseille 11 février 2004
Catherine DARMSTADTER ( texte publié avec l'accord de l'auteur ,
extérieure au S.I.A.E.S. et ne revendiquant aucune appartenance syndicale ).