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COLLEGE UNIQUE : BELLE MACHINE. DEVELOPPE ECHEC SCOLAIRE ET INEGALITE SOCIALE.
 

Chaque année plus nombreux, débarquent au collège des élèves qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter. Curieusement absents des statistiques officielles, ces martiens à qui l'on n'a accordé qu'une seule chance de redoubler (passage au collège à 12 ans, dernier délai, oblige…) ne sont que le triste fer de lance d'une cohorte qui ânonne, bafouille, comprend avec moult difficultés.
Ces élèves ont été, comme le sont chacun de nos enfants, gavés comme des oies dès le primaire. Gavés jusqu'à l'écoeurement par tout ce que l'instituteur, respectueux des Instructions Officielles a tenté d'enfourner dans l'entonnoir.
Notre élève n'a évidemment pas la chance d'avoir des parents qui, soir après soir, devoirs de vacances après devoirs de vacances, se dévouent et tentent de limiter les dégâts occasionnés par l'inexorable machine éducative.
J'exagère ? Que ceux d'entre nous qui n'ont pas été un jour effaré par la lourdeur du programme que devait ingurgiter le " petit " quand il était dans le primaire me jettent la première pierre.
Dans le primaire donc, il a progressivement décroché. Il peinait à apprendre à lire ? On lui parlait déjà de polysémie ou de néologisme. Il ne sait pas lire, il sait à peine écrire son nom et, comme tous ses copains, il oppose un blocage complet à la grammaire. Il a perdu son enthousiasme à apprendre et sa confiance dans l'enseignant.
Les adultes que nous sommes l'ont déjà trahi…
En situation d'échec, le pied à peine posé sur les starting-blocks du secondaire, et c'est déjà la course effrénée vers le lycée !
Pendant 4 ans ces quasi-analphabètes vont subir 36 heures d'un enseignement qui leur sera aussi hermétique qu'une formation accélérée de sanscrit ou de javanais du 13ème siècle. Sans temps mort : passage systématique vers la classe supérieure et/ou " évacuation vers le haut " oblige. Sans sortie de secours : plus de classes dites " de transition ", plus de 4ème et 3ème polytechno, disparition programmée des 4AS et 3ème d'insertion, peu de places disponibles dans les SEGPA, mépris de l'apprentissage.
Les enseignants le savent, les enseignants le déplorent à demi-mot dans les recoins de la salle de classe. Mais les enseignants sont au service de la machine à générer l'échec scolaire quand ils s'acharnent contre vents et marées à tenter de " boucler " un programme qui n'est plus adapté au piètre niveau général de nos collégiens depuis déjà belle lurette.
Notre machine éducative, qui n'aime guère les initiatives générant la réussite scolaire (arrêt brutal de l'expérience 4ème 3ème polytechno par exemple) mais adore les facteurs aggravants : cycle central 5ème - 4ème totalement aberrant, découpage de certains enseignements en séquences, en rajoute une couche avec les Itinéraires De Découverte.
Initiative qui aurait pu être passionnante… sur une planète où les élèves arriveraient en 6ème en maîtrisant correctement la lecture, l'écriture et le calcul. Sur une planète où l'on aurait la certitude qu'en fin de troisième les acquis fondamentaux soient maîtrisés et la grande majorité de nos élèves fins prêts pour affronter l'aventure du lycée.
Or en tant que prof de français je peux témoigner que le bateau fait eau de toute part, que je n'arrive plus, avec ma petite pelle , à écoper l'illettrisme qui s'y engouffre, chaque année un peu plus. Et je suis effaré de constater que, non contents de regarder impuissants nos élèves se noyer, on ose leur demander en sus de peinturlurer les voiles et de danser dans l'eau !
Chaque fin d'année est un amer constat d'échec. Chaque fin d'année je perds un peu plus la foi en mon métier. Le hussard noir de la République tourne au grisâtre…
Est-ce moi qui suis devenu un vieux c.. ou la machine à éduquer qui est prise de folie ?
Que ceux qui n'ont jamais souffert en écoutant la quasi totalité des élèves de leur classe de troisième trébucher à chaque mot d'une lecture à haute voix - douloureux chemin de croix - me jettent la première pierre.
D'ailleurs, quand en fin d'année on observe le découpage " hiérarchique " d'une classe de troisième, on constate que, triste paradoxe, l'école de la République est parvenue à aggraver, encore plus, l'inégalité et la fracture sociales.
Une toute petite élite a réussi à tirer son épingle du jeu, rafle dans toutes les matières la totalité des " récompenses " et se maintient adroitement au dessus d'un 13/20 qui permet d'augurer d'une assez bonne adaptation au lycée.
Mais la " classe moyenne " qui regroupait tous ceux qui naviguaient entre 9 et 11/20 a progressivement fondu comme neige au soleil.
Le niveau de l'enfant est fragile, le conseil de classe pense qu'un redoublement serait profitable ? La famille refuse et fiston, fiérot mais en perdition, se retrouve dans la classe supérieure.
Niqués les profs !
L'enfant est en grosse difficulté, en opposition totale avec les abstractions scolaires, une filière plus " pratique " lui conviendrait mieux ? Le conseil de classe suggère SEGPA, 4AS, 3ème d'insertion, la famille refuse et fiston, qui ne sait ni lire ni écrire, finira par se retrouver en classe de 3ème générale, au fond à gauche, près du radiateur.
Niqués les profs !

Oui, mais au fil des années gonfle la cohorte de ceux pour qui notre enseignement est aussi hermétique qu'une formation accélérée de sanscrit ou de javanais du 13ème siècle. La cohorte de ceux à qui nous sommes incapables de proposer un enseignement ou une filière adaptée, de ceux qui n'ont d'autres moyens d'expression que l'indiscipline et l'irrespect.

NIQUES LES PROFS, NIQUE L'AVENIR !

Richard TRONC

rtronc@voila.fr
 

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